CONSTRUIRE UN GOUVERNEMENT RESPONSABLE: LE SYSTÈME NATIONAL D'ÉVALUATION DU BÉNIN, 2007-2015 RÉSUMÉ À partir de 2007, les dirigeants réformistes du Bénin ont entrepris de renforcer la qualité de la gouvernance et de la gestion publique en mettant en place un système d'évaluation des politiques publiques. Les politiques et programmes nationaux n'avaient souvent que peu d'impact sur les résultats en matière de développement ; les systèmes existants de suivi et d'évaluation des initiatives gouvernementales étaient en outre essentiellement impulsés par les bailleurs de fonds et conçus pour répondre à leurs besoins. Dans ce contexte, il s'est avéré difficile pour le gouvernement de définir, de hiérarchiser et de coordonner des politiques publiques au sein de secteurs aussi divers que l'agriculture, la santé et l'éducation et, le cas échéant, entre ces différents secteurs. Avec le soutien du président nouvellement élu, Boni Yayi, Pascal Koupaki, ministre béninois de la Prospective, du Développement et de l'Évaluation, a créé un Bureau d'évaluation des politiques destiné à analyser les politiques publiques des différents ministères, d'évaluer leurs effets et de formuler des recommandations pour les améliorer. Compte tenu de l'inefficacité et de l'inefficience qui prévalaient au sein de l'administration, l'idée d'une évaluation n'a bénéficié à l'origine que d'un faible soutien politique. Cependant, une petite équipe rattachée au ministère de Koupaki a progressivement renforcé les capacités nationales en matière d'évaluation et accru la demande interne d'évaluation des politiques. En 2015, le Bureau était devenu un élément permanent de l'administration, avait achevé plus d'une douzaine d'études d'évaluation et inspiré la mise en place de mécanismes nationaux d'évaluation dans les pays voisins d'Afrique de l'Ouest que sont le Togo, le Burkina Faso et le Mali. Pallavi Nuka, directeur associé de l'ISS et Khady Thiam, de l'École des affaires internationales de Sciences Po, ont rédigé cette étude de cas à partir d'entretiens menés à Cotonou et à Abidjan en septembre 2015. Étude publiée en avril 2016. INTRODUCTION « Ça peut changer ! Ça doit changer ! Ça va changer ! » Ce slogan de la campagne présidentielle de Thomas Boni Yayi en 2006 reflète les espoirs de nombreux Béninois qui voulaient un gouvernement plus efficace et des dirigeants politiques au service du pays plutôt qu'au service de leurs propres intérêts.1 Yayi, un nouvel arrivant sur la scène politique qui avait dirigé pendant 12 ans la Banque ouest-africaine de développement, basée au Togo, a fait campagne de manière indépendante, en promouvant des réformes visant à lutter contre la corruption et à soutenir les petites et moyennes entreprises, l'éducation et l'emploi des jeunes. Sa campagne dynamique et sa non-affiliation à un parti politique ont capté l'attention de l'électorat majoritairement jeune du pays et ont conduit à son écrasante victoire le 22 mars contre Adrian Houngbedji, figure de l'opposition de longue date. L'élection a marqué la fin du régime de près de trois décennies de Mathieu Kérékou, qui a dirigé le Bénin comme dictateur militaire-socialiste de 1972 à 1990 et qui est revenu au pouvoir en 1996 en tant que président élu pour 10 ans. Bien que le pays ait été l'un des premiers à se démocratiser en Afrique francophone, le Bénin avait pris du retard par rapport à nombre de ses voisins en matière de développement économique. Les réformes structurelles initiées dans les années 1990 avaient stagné durant les dernières années du mandat de Kérékou. Plus de 80 % de la population en âge de travailler dépendait du travail informel et le prix du coton, principal produit d'exportation du pays, avait récemment chuté.2 De nombreux observateurs, à l'intérieur comme à l'extérieur du Bénin, signalaient les défaillances politiques, la mauvaise planification financière et la corruption au sein du gouvernement - des problèmes qui s'étaient aggravés pendant le second mandat de Kérékou - comme les causes majeures de l'échec du pays à assurer la croissance et à améliorer les conditions de vie de ses habitants. Les bailleurs de fonds, qui s'étaient mobilisés pour soutenir la jeune démocratie dans les années 1990, se sont montrés de plus en plus préoccupés par l'inaction du gouvernement et la mauvaise gestion des fonds alloués. Quand il a pris ses fonctions en avril 2006, Yayi a immédiatement nommé 22 ministres, dont beaucoup étaient des technocrates et des banquiers et non des hommes politiques. Il choisit Pascal Koupaki, ancien directeur de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest à Dakar, ministre du Développement, de l'Économie et des Finances. Ensemble, ils ont lancé une série de réformes destinées à résoudre les problèmes de responsabilité et de gouvernance. Yayi a promulgué un code de conduite officiel pour la fonction publique. Koupaki a lancé des audits financiers de tous les ministères et de 60 entreprises publiques, et les procureurs ont finalement engagé des poursuites contre plusieurs hauts fonctionnaires pour utilisation abusive de fonds publics. Conscient que l'investissement public échouait souvent à conduire aux résultats de développement escomptés, Yayi s'est efforcé d'améliorer les choix en matière de politique publique et de mieux cibler les interventions gouvernementales. Dans de nombreux pays, un secrétariat du Conseil des ministres ou une unité rattachée à la présidence favorise la consultation et la coordination au sein du gouvernement, veille à ce que les politiques soient bien conçues et prévoit des plans d'action ainsi que des études d'impact, suit la mise en œuvre de ces politiques et fait état des progrès au cabinet, appelé Conseil des ministres. Toutefois, aucune structure de ce type n'existait au sein de l'administration béninoise. En juin 2007, Yayi a nommé Koupaki ministre d'État chargé de la Prospective, du Développement et de l'Évaluation de l'action publique dans le cadre d'un remaniement ministériel. Dans l'exercice de ces fonctions, Koupaki a supervisé la politique et la planification économique et contrôlé la majeure partie de l'aide publique au développement fournie au Bénin. Il a coordonné un portefeuille complexe de projets de développement impliquant 20 ministères. En incluant de manière explicite la compétence d'évaluation dans l'intitulé ministériel, Yayi a également donné à Koupaki le pouvoir d'évaluer la mise en œuvre des politiques dans l'ensemble des secteurs. « Pour la première fois, le gouvernement a décidé que le ministre d'État chargé du développement serait également responsable de l'évaluation des politiques publiques », a déclaré Martin Gbedey, l'un des conseillers économiques de Koupaki. « Les objectifs étaient de renforcer le système de responsabilité et d'assurer la pertinence et l'efficacité des politiques nationales. » Fin 2007, Koupaki a fait appel à son directeur de cabinet, Antonin Dossou, et un conseiller technique, Aristide Djidjoho, pour mettre en place un cadre pour l'évaluation des politiques au Bénin. Comme Koupaki, les deux hommes étaient détachés de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest. La Banque dessert huit pays d'Afrique de l'Ouest qui partagent une monnaie commune et constituent l'Union économique et monétaire ouest-africaine. Dossou avait été directeur de la recherche et de la statistique de la Banque pendant les trois dernières années, et Djidjoho, sous-directeur du contrôle financier. En août 2007, Koupaki a demandé aux deux hommes d'examiner la façon dont le ministère pourrait envisager cette mission et de faire des propositions à ce sujet. « C'était un défi extraordinaire », a rappelé Dossou. « Nous devions concevoir cette nouvelle fonction et trouver des moyens de concrétiser et d'institutionnaliser la notion d'évaluation des politiques publiques ». LE DEFI « Nous avons connu des difficultés à trois niveaux », a expliqué Éric Vickey, conseiller économique de longue date au sein du ministère de la Planification et du Développement. Tout d'abord, le gouvernement du Bénin ne programmait pas efficacement l'utilisation des ressources, notamment celles reçues de partenaires externes. Deuxièmement, le gouvernement n'établissait pas d'ordre de priorité. Les décideurs politiques essayaient d'intégrer chaque proposition sans grand effort pour identifier et mettre l'accent sur celles qui seraient les plus importantes pour le développement du pays. En troisième lieu, le secteur public avait fait peu de progrès concernant la mise en œuvre des projets de développement en l'absence de pression extérieure. « Nous avons des projets qui fonctionnent depuis 30 ans et qui ont été considérés comme des projets à court terme », a déclaré Vickey. « Si vous avez un plan quinquennal et qu'il vous faut 20 ans pour l'exécuter, cela n'a pas de sens. » L'évaluation avait le potentiel de résoudre ces problèmes d'efficacité, d'identification des projets prioritaires et de leur mise en œuvre. « L'évaluation vous aide à comprendre les changements, prévus et imprévus, et à planifier ce qui se passera ensuite », a déclaré Dossou, qui est plus tard devenu ministre de l'Évaluation. « L'évaluation permet de comprendre le niveau de performance, ce qui a été atteint, quels enseignements sont à tirer et quelles sont les étapes suivantes dans la mise en œuvre d'un programme ou d'une politique. » Une évaluation efficace nécessite une collecte et une analyse systématiques des données relatives aux programmes, aux projets, aux fonctions et à l'organisation afin d'en examiner la pertinence à la lumière des objectifs énoncés, de la qualité de la mise en œuvre et du niveau d'incidence. Dossou et Djidjoho ont identifié les défis particuliers à l'évaluation des politiques au Bénin. Tout d'abord, l'appui, au sein même du gouvernement, s'est avéré limité, malgré l'engagement du président à renforcer la prise de décision et le suivi des programmes gouvernementaux. Sans surprise, beaucoup de ministres, ainsi que leurs équipes, voyaient peu d'avantages personnels à évaluer la mise en œuvre de leurs propres politiques. Les évaluations étaient perçues comme une menace, compte tenu de l'inefficacité et de l'inefficience qui prévalaient dans un gouvernement où la relation entre le maintien de l'emploi et le rendement était ténue et où les nominations dans la fonction publique étaient essentiellement fonction de relations personnelles ou de favoritisme.3 Pour les mêmes raisons, les évaluations ne bénéficiaient que de peu de soutien parmi les fonctionnaires béninois au niveau central et local. « La demande d'évaluation venait en grande partie de l'extérieur », a expliqué David Houinsa, spécialiste de l'évaluation et ancien fonctionnaire du ministère de la Planification, qui a fourni des conseils en vue de la création de l'unité d'évaluation des politiques publiques au Bénin. « Jusqu'alors, le gouvernement avait peu d'expérience en matière d'évaluation. Les partenaires techniques et financiers commandaient de coûteuses évaluations externes de leurs projets. » Des entreprises privées réalisaient la plupart de ces études. C'était le cas de l'évaluation de la réforme de l'enseignement primaire de 2005.4 Compte tenu de la dépendance passée du Bénin vis-à-vis des bailleurs de fonds qui finançaient des évaluations menées par des consultants internationaux, le gouvernement béninois ne disposait que de capacités limitées pour conduire ses propres évaluations. Mis à part une vingtaine de personnes hautement spécialisées et exerçant à l'Observatoire du changement social, un organisme semi-autonome qui effectue un suivi de l'évolution de la pauvreté, ainsi qu'à l'Institut national de la statistique, peu de fonctionnaires avaient le mandat ou les connaissances nécessaires pour évaluer les politiques publiques. Dans chaque ministère, quelques personnes affectées dans les Directions de la programmation et de la prospective suivaient les résultats des projets mais leurs niveaux de compétence s'avéraient souvent rudimentaires. Dossou et Djidjoho se sont également heurtés à un problème de communication et de coopération lorsqu'ils rencontraient les ministres et le personnel au sein des ministères pour évoquer l'évaluation des politiques. Afin d'évaluer les politiques publiques, ils avaient besoin de données et de preuves empiriques fournies par les ministères. Toutefois, assimilant l'évaluation avec l'audit et le contrôle, les fonctionnaires étaient réticents à partager des informations sur la mise en œuvre de leurs programmes et projets. Les ministres craignaient d'être sanctionnés en raison d'une performance médiocre ou à cause de la mauvaise gestion des fonds et s'inquiétaient de l'utilisation des évaluations comme outil politique visant à discréditer des projets et des programmes viables. « Quand nous avons commencé, les gens avaient peur de moi », a déclaré Dossou. « J'ai dû leur expliquer que nous n'étions ni des policiers ni des procureurs ». Une mentalité de cloisonnement dans l'administration compliquait davantage le problème. Les ministères opéraient de façon autonome et les fonctionnaires étaient enracinés dans des structures hiérarchiques qui empêchaient toute planification coordonnée et tout échange d'information entre les responsables gouvernementaux. Une lettre officielle ou un rapport sur un programme d'un fonctionnaire de niveau intermédiaire du ministère de la Santé pouvait mettre des semaines pour parvenir à un homologue au sein du ministère de l'Éducation. Un cadre de gestion axé sur les résultats et déployé par le gouvernement en 2003 n'a guère permis d'améliorer le niveau de performance. Ce cadre prévoyait que la responsabilité du suivi des résultats incombe au ministère du Développement, tandis que le ministère des Finances maîtrisait la budgétisation. Il y avait également peu de suivi au sein des ministères et entre eux. Les ministres étaient autorisés à réaffecter des fonds entre leurs programmes et ne respectaient pas toujours le plan de dépenses tel qu'il avait été approuvé. En raison de retards relatifs à la passation des marchés et du décaissement, le budget national n'était, certaines années, que partiellement exécuté. En 2007, par exemple, seulement 35 % environ du budget national destiné aux programmes et projets avait été dépensé comme prévu.56 Dans le même temps, le gouvernement maintenait parfois ses investissements dans des projets qui n'obtenaient que peu de résultats. Des systèmes d'information et de communication obsolètes aggravaient encore les difficultés de coordination et d'exécution. Faute d'un accès fiable à Internet ou à des bases de données partagées, il était techniquement difficile de partager en temps utile les informations sur les performances des projets et des programmes, et encore moins le type de données en temps réel qui sous-tendent les systèmes de suivi les plus efficaces. Les employés devaient utiliser des courriels personnels, échanger des clés USB ou dépendre de coursiers et du service postal pour partager des données et des documents. Compliquant davantage la situation, la coalition de petits et grands partis politiques qui avaient soutenu la candidature à la présidence de Yayi a commencé à se fissurer. Début 2008, l'Assemblée nationale a rejeté une série de ses propositions visant à lutter contre la corruption.7 Bien que Yayi ait commencé à mettre en œuvre certaines des nouvelles mesures par décret exécutif, il n'était pas en capacité de créer une nouvelle agence consacrée à l'évaluation sans un soutien politique plus large. En outre, le gouvernement était confronté à de lourdes contraintes budgétaires. Dans le cadre d'une nouvelle stratégie pour la croissance et la réduction de la pauvreté négociée avec la Banque mondiale et le FMI, le pays devait investir dans les secteurs sociaux, industriels et agricoles afin de relancer la croissance économique.8 Koupaki ne pouvait allouer qu'un montant limité du budget discrétionnaire de son ministère au développement de l'évaluation des politiques. Dans ce contexte, il était peu probable que Dossou et Djidjoho obtiennent davantage de fonds pour étendre leurs activités. ELABORER UNE RÉPONSE « Nous sommes partis de zéro en 2007 », a rappelé Dossou, faisant référence à l'époque où Djidjoho et lui-même se trouvaient confrontés à la question de la structuration d'une nouvelle unité d'évaluation au sein du ministère de Koupaki. Koupaki voulait créer une petite organisation flexible, proche de lui en tant que ministre et qui lui rende compte directement, plutôt qu'une grande direction qui risquait de se fondre dans la bureaucratie gouvernementale. Compte tenu des contraintes financières du ministère, la seule option viable était la première. Koupaki a confié à Djidjoho la responsabilité de diriger l'unité d'évaluation. Lorsqu'il travaillait à la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest, Djidjoho avait analysé et vérifié la gestion interne pour s'assurer que la Banque atteigne ses objectifs organisationnels de manière efficiente. Réfléchissant à la mise en place l'unité d'évaluation, Djidjoho a d'abord examiné de près les demandes auxquelles devrait répondre la nouvelle organisation et les moyens nécessaires pour satisfaire ces demandes. « J'ai tout d'abord réfléchi à la façon de mettre en place le cadre institutionnel pour l'évaluation de l'action/des politiques publiques », a-t-il affirmé. « Nous voulions clarifier le processus d'évaluation et le rôle joué par toutes les parties prenantes nationales. Nous avons identifié les lacunes en termes de moyens et évalué ce qui était nécessaire pour mettre en place un système fonctionnel d'évaluation des politiques publiques au Bénin. » Après avoir défini les contours de la mission et les objectifs d'un Bureau de l'évaluation rattaché au cabinet ministériel de Koupaki, Dossou et Djidjoho ont présenté leurs idées initiales lors d'une réunion de stratégie interne. Pour maintenir les coûts à un bas niveau, Dossou et Djidjoho se sont tournés vers un réservoir de main-d'œuvre existant : un groupe de jeunes analystes politiques qui travaillaient déjà au sein du cabinet du ministre. Attirés par la possibilité de travailler au plus haut niveau du gouvernement et de développer des compétences et des relations qui leur seraient utiles plus tard, y compris en dehors du secteur public, ces analystes, dont beaucoup étaient de jeunes diplômés, avaient eu des expériences professionnelles au sein de banques régionales de développement et dans le secteur privé. Ces analystes furent embauchés sur une base contractuelle, en dehors du système de recrutement de la fonction publique. « C'était une chance et une riche expérience que de travailler au plus haut niveau du gouvernement de notre pays, », a expliqué Prosper Houssou, un analyste politique qui a rejoint le cabinet du ministre au terme d'un stage à la Bank of Africa, un conglomérat bancaire multinational avec des bureaux répartis dans la majeure partie du continent, et qui est plus tard devenu coordonnateur de l'unité d'évaluation des politiques. « Le ministre Koupaki voulait former un groupe de professionnels dévoués à la fonction publique et détachés de l'administration publique et de l'administrativisme », a affirmé Houssou. Sous la supervision et le mentorat de Dossou, ces analystes étaient chargés de l'étude de l'ensemble des documents - rapports, propositions et projets de loi - qui passaient par le cabinet du ministre, assistant un groupe de conseillers techniques plus expérimentés qui appuyaient la prise de décision ministérielle. Koupaki, surnommé Monsieur Rigueur par la presse béninoise pour sa rigueur et son énergie, imposait des délais courts avec des attentes élevées envers les analystes. Djidjoho et Dossou ont également décidé de faire appel à des cabinets de recherche indépendantes et des experts externes pour mener les évaluations formelles des politiques. L'évaluation préliminaire de Djidjoho a montré que le personnel du cabinet du ministre ne disposait pas de l'expertise nécessaire pour réaliser des évaluations aussi complexes. Par ailleurs, les entreprises indépendantes jouissaient d'une plus grande crédibilité dans une période de forte tension politique, l'administration étant en outre habituée à s'appuyer sur des conseils externes. Le principe de « faire faire », ou de sous-traiter le travail, « a été choisi pour s'assurer que les résultats des évaluations seraient crédibles et pour que ce soit des experts nationaux qui examinent la mise en œuvre des politiques publiques. Ce modèle a permis une large participation des parties prenantes et a également assuré que les conclusions des rapports d'évaluation seraient impartiales », a ajouté Houssou. Djidjoho s'est aussi rendu compte que la nouvelle unité d'évaluation pouvait tirer parti du système existant de gestion axée sur les résultats, qui avait recueilli des informations relatives à la performance et aux résultats des projets auprès de chaque ministère. Dans chaque ministère, la direction de la planification et de la prospective disposait de quelques fonctionnaires chargés du suivi de la performance qui étaient en mesure de participer au nouveau programme afin de renforcer l'influence de l'unité. Dossou et Djidjoho n'étant pas experts en évaluation de politiques publiques, ils ont commencé par examiner cette idée avec des partenaires externes. Depuis une décennie, les bailleurs de fonds réclamaient des politiques nationales plus cohérentes et une mise en œuvre des politiques plus efficace. Ils ont immédiatement manifesté leur volonté de soutenir les efforts du Bénin visant à évaluer les politiques nationales et de renforcer le caractère institutionnel du principe d'évaluation dans l'administration. « Nous avons émis l'idée de l'évaluation des politiques publiques et les bailleurs de fonds nous ont accompagnés », a déclaré Dossou. Avec l'appui de Yayi et Koupaki, il semblait que le Bénin était prêt à s'engager fermement en faveur du type d'évaluation des politiques susceptible d'en améliorer la conception et la mise en œuvre. Fin 2007, Djidjoho a participé à un atelier régional à Bamako, la capitale du Mali, consacré aux questions clés liées à l'évaluation des politiques gouvernementales. Il a, à cette occasion, pu échanger avec des experts de l'UNICEF et du gouvernement canadien, qui parrainait l'événement. Djidjoho explique qu'il a quitté la réunion fort d'un nouvel engagement à tisser des liens non seulement avec des organisations internationales, mais aussi avec d'autres pays, dont l'Afrique du Sud et l'Ouganda, qui ont créé, de manière officielle, des institutions publiques en charge de la planification et de l'évaluation des politiques. En 2008, le Bureau de l'évaluation du PNUD a accepté de fournir une assistance technique pour renforcer les capacités nationales d'évaluation du Bénin, y compris un soutien financier pour des activités de sensibilisation et de formation. Au cours des années suivantes, le PNUD a continué à soutenir les activités du Bénin relatives à l'évaluation, en commençant par une étude diagnostique en 2009 qui a mis en lumière des pistes possibles pour le développement ultérieur de la nouvelle unité d'évaluation. Djidjoho et Dossou ont également examiné les expériences d'autres pays, dont celles du ministère du Suivi et de l'Évaluation du rendement au sein du cabinet du Président en Afrique du Sud ainsi que les organismes d'évaluation publique au Canada et en France. Cependant, les deux hommes étaient conscients de la nécessité pour le Bénin d'avoir une approche qui réponde aux défis spécifiques du pays. « Nous n'avions pas tenu compte des expériences d'autres pays pour décider que nous avions besoin d'un système national d'évaluation », a précisé Dossou. « Mais à mesure que la fonction a évolué, nous nous sommes penchés sur ce que faisaient les autres. » SE METTRE AU TRAVAIL Début 2008, Koupaki a créé une petite unité au sein de son ministère qui allait devenir le Bureau d'évaluation des politiques publiques (BEPP). Dossou, le chef du cabinet de Koupaki, et Djidjoho, son principal conseiller en matière d'évaluation, ont commencé à poser les bases d'une unité d'évaluation des politiques. Avec un budget limité, ils ont opté pour une approche graduelle pour débuter modestement et éviter de susciter la colère des opposants politiques. Construire le Bureau En juillet 2008, Djidjoho a demandé à un jeune analyste politique du cabinet du ministre, Mirianaud Oswald Agbadome, de l'aider à développer la structure opérationnelle et le plan de travail pour la nouvelle fonction d'évaluation du ministère. Agbadome, un jeune diplômé en finances sans aucune expérience préalable en matière d'évaluation, avait rejoint le cabinet du ministre en tant que stagiaire seulement six mois auparavant. En mars, il avait été promu au poste d'analyste politique lorsque Djidjoho l'avait sélectionné pour la nouvelle mission. À l'origine, Djidjoho et Agbadome étaient les deux seuls membres de l'équipe de Koupaki travaillant sur l'unité d'évaluation. Ils ont commencé avec une connaissance limitée de la façon dont un système national d'évaluation des politiques devait fonctionner et ont construit le Bureau tout en apprenant. « Comme beaucoup d'autres, ils se sont retrouvés par hasard à travailler sur l'évaluation et ont appris en travaillant », a déclaré Agbadome, devenu plus tard évaluateur pour la Banque africaine de développement. « Djidjoho m'a demandé de réfléchir à la façon de traiter sérieusement de la question de l'évaluation. Il m'a fourni les documents de référence, parmi lesquels une note conceptuelle sur les modalités de mise en œuvre d'un système d'évaluation au Bénin ainsi que le décret qui définissait la mission du ministère et ses fonctions. » Sur la base de la note conceptuelle préparée par Djidjoho et Dossou, Agbadome a fait des recherches sur Internet sur ce sujet, en commençant par des documents sur l'évaluation publiés par la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, le PNUD et le Comité d'aide au développement de l'OCDE. En octobre, il a approfondi ses connaissances dans le cadre d'une formation de trois semaines en France, qui offrait une introduction à l'évaluation de projets et de politiques et au rôle de l'évaluation dans l'administration publique. L'Agence allemande pour la coopération internationale (GIZ) a pris en charge les frais de la participation d'Agbadome à ce cours, qui fut le premier de plusieurs ateliers internationaux sur l'évaluation auxquels Djidjoho et Agbadome ont assisté pour renforcer leurs connaissances et leurs compétences en matière d'évaluation politique. Tandis qu'ils découvraient le processus d'évaluation des politiques, Agbadome et Djidjoho ont également bénéficié de l'appui de deux conseillers techniques du PNUD, François-Corneille Kèdowidé et David Houinsa. Kèdowidé, le conseiller de l'évaluation du PNUD en Afrique occidentale et centrale, s'est rendu à plusieurs reprises au Bénin en réponse à une demande formelle de soutien formulée par le ministre d'État Koupaki auprès du Bureau de l'évaluation du PNUD et du Bureau du PNUD au Bénin. Titulaire d'un doctorat en sociologie, Houinsa, qui avait évalué différents projets du PNUD, a travaillé avec le BEPP en tant que consultant local. Houinsa et Kèdowidé ont tous deux fourni une assistance technique et une expertise sur l'évaluation qui se sont avérées essentielles au cours de la phase de démarrage du BEPP. Avec l'aide de ces deux experts, Djidjoho a commencé à définir le cadre institutionnel du BEPP. Il s'agissait d'identifier les organismes ou les agences gouvernementales à inclure afin que l'unité puisse mener à bien les évaluations des politiques dans des domaines tels que l'agriculture ou la santé. Djidjoho a également défini le rôle du BEPP dans le processus d'évaluation. Le rôle des entreprises et des consultants externes était de réaliser les études. La mission du BEPP consistait à définir les questions de politique publique, à superviser les consultants et à s'assurer que les décideurs politiques aient accès aux résultats des évaluations. Le BEPP devait développer les termes de référence, communiquer avec les ministres et leur équipe, examiner les rapports des consultants et présenter les conclusions au gouvernement. Djidjoho a également commencé à mettre au point un plan de travail adapté au budget du programme. Les activités du BEPP étaient initialement limitées à la formation et au recrutement d'un cabinet de recherche indépendant pour évaluer les politiques agricoles nationales au cours de l'année suivante. Alors qu'ils commençaient à rechercher des cabinets de recherche compétents, l'équipe du BEPP a souligné la nécessité de soutenir les entreprises béninoises et de renforcer les capacités nationales d'évaluation. Le BEPP a commencé avec un budget de 50 millions de francs d'Afrique de l'Ouest (environ 100 000 USD au taux de change officiel) pour l'exercice 2008, mais ce budget est passé à 120 millions de FCFA en 2010, à mesure que les activités du Bureau se sont étendues. Ce budget a permis au BEPP de commander deux ou trois évaluations de politique nationale par an et de réaliser un nombre limité d'ateliers de formation pour le personnel du gouvernement. Toutes les activités supplémentaires, telles que des conférences ou des actions de sensibilisation, nécessitaient généralement un financement supplémentaire du gouvernement et des bailleurs de fonds. Lancement de la première évaluation de politique La première mission importante du nouveau Bureau a été menée en 2009, quand Djidjoho a lancé une vaste évaluation des politiques agricoles du Bénin. Peu de temps avant que Yayi ne prenne ses fonctions, la production de coton, principal produit d'exportation du pays, s'était effondrée pour ne représenter que la moitié du niveau atteint l'année précédente en raison du déclin du cours du marché mondial et d'interventions gouvernementales qui avaient favorisé des groupements d'intérêts spéciaux.9 Le gouvernement de Yayi visait non seulement à réorganiser le secteur du coton mais aussi à relancer l'ensemble du secteur agricole, à diversifier la production et à accroître l'autosuffisance alimentaire nationale. L'évaluation des politiques du secteur agricole a constitué une expérience d'apprentissage pour le nouveau Bureau. « Nous savions que le secteur agricole avait beaucoup de problèmes », a expliqué Agbadome. « Mais nous ne comprenions pas les raisons de l'échec du secteur. Le ministère de l'Agriculture avait de nombreux documents de politique publique, mais aucun énoncé exhaustif de ce qu'était et devait être la politique agricole nationale. » En novembre 2008, Djidjoho et Agbadome avaient rédigé les termes de référence qui précisaient les exigences pour les consultants qui seraient embauchés afin de réaliser l'évaluation - objectifs et portée, collecte des données, format de l'analyse et rapports requis. Toutefois, en raison du processus complexe d'achat et de passation des marchés du gouvernement, les deux hommes n'ont prendre connaissance de la version finale de l'évaluation qu'un an plus tard. « À l'époque, nous étions un peu idéalistes », a déclaré Agbadome. « Nous pensions que nous pourrions réaliser une évaluation de politique sectorielle en trois mois ». L'évaluation a également mis en évidence le problème de communication interne. Les premières avancées sur l'évaluation ont été lentes en raison d'un manque initial de consultation entre le BEPP, le ministère de l'Agriculture et les experts en politique sur les termes de référence. Le BEPP n'a informé le ministère de l'Agriculture de l'évaluation en cours que lorsque le consultant, récemment engagé, s'apprêtait à commencer son travail. Assogba Hodonou, un agronome qui, à cette époque, dirigeait la Direction de la programmation et de la prospective du ministère de l'Agriculture au sein duquel exerçaient 3 000 fonctionnaires, a déclaré : « Nous étions un peu inquiets parce que l'initiative venait de l'extérieur. Mais le gros problème est survenu lorsque nous avons lu les termes de référence. Comme ils [l'équipe du BEPP] n'étaient pas des spécialistes du secteur, les termes de référence n'étaient pas adaptés [à la situation au ministère]. » Une méthodologie révisée, conçue avec la contribution de Hodonou et d'autres spécialistes en agriculture et approuvée par le BEPP, a permis au consultant d'avancer. Concevoir un processus participatif Une fois l'évaluation de la politique agricole engagée, un nouvel enseignement (et connexe) a pu être retenu : une communication efficace, parfois personnelle, est essentielle pour répondre aux préoccupations et lever les obstacles fondés sur des malentendus. Malgré l'appui de Hodonou pour encourager le processus d'évaluation, beaucoup de membres du ministère de l'Agriculture demeuraient réticents à fournir les données et les informations nécessaires. Beaucoup ne saisissaient pas l'objet du processus et certains craignaient qu'il s'agisse d'un outil destiné à mettre en application le principe de responsabilité. Dans un premier temps, les cadres et le personnel technique ont souvent ignoré les lettres et les questionnaires envoyés par le consultant. « Beaucoup d'appels et de conversations individuelles ont été nécessaires pour que les fonctionnaires du ministère de l'Agriculture acceptent au moins d'échanger avec le consultant et de répondre aux questionnaires », a rappelé Djidjoho. « Pour aller de l'avant, l'exercice devait être aussi participatif que possible. Pour que le résultat soit accepté, il devait être participatif. » Une approche transparente et inclusive était nécessaire pour encourager l'adhésion des ministères au principe d'évaluation. En collaboration avec Dossou et d'autres alliés du gouvernement, Djidjoho a mis en place un système prévoyant, pour chaque évaluation, un comité de pilotage temporaire qui comprenait non seulement des membres de l'équipe du Bureau mais aussi des représentants de tous les organismes et groupes concernés par cette analyse : le ministère dont les politiques étaient en cours d'évaluation, des groupes issus de la société civile concernés ainsi que des bailleurs de fonds internationaux. Trois autres directions du ministère du Développement de Koupaki, collectivement responsables du suivi de la performance (les directions des politiques de développement, du suivi des projets et programmes et des investissements et du financement du développement), ont participé aux comités de pilotage pour toutes les évaluations, indépendamment du secteur examiné. Le rôle des comités de pilotage consistait à définir les questions de politique spécifiques qui devaient être traitées dans leur étude, commenter et approuver les termes de référence, sélectionner le cabinet chargé de l'étude, examiner les conclusions préliminaires et les projets de rapports et vérifier la version finale du rapport et les recommandations avant que ces éléments ne soient transmis au Président et au Cabinet. Djidjoho a appliqué la nouvelle procédure à toutes les évaluations de politiques réalisées ultérieurement par le Bureau. Selon Houssou, il faut encore en moyenne un an pour conduire chaque évaluation de politique. Celui-ci a toutefois souligné que les ministères étaient davantage enclins à collaborer et à se montrer attentifs aux résultats de l'évaluation. « L'utilité de l'exercice consistait à nous dire ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas d'un point de vue extérieur », a expliqué Hodonou, qui, en 2015, était Secrétaire général du ministère de l'Agriculture. « Cela nous a permis de mieux comprendre la situation et de mieux organiser les réformes dont nous savions déjà que nous aurions à les conduire. C'est là la véritable valeur ajoutée. » Communication et renforcement des capacités À partir de 2010, le gouvernement a cherché à donner au Bureau une assise institutionnelle plus solide, à accentuer sa visibilité et à renforcer les capacités d'évaluation des politiques dans l'ensemble des ministères. L'année précédente, le PNUD avait financé une étude diagnostique pour évaluer les capacités nationales d'évaluation et proposer des moyens de les renforcer. « Le diagnostic a clairement montré que les capacités nationales d'évaluation étaient faibles », a déclaré Djidjoho. L'étude a mis en évidence les limitations de l'expertise et des ressources nationales. À l'époque, peu de ministères ou d'organismes avaient des ressources allouées à l'évaluation et le budget du BEPP était faible par rapport au nombre de domaines qui devaient être évalués. « S'agissant du fondement juridique et institutionnel [de l'évaluation], il n'y avait rien d'autre que le décret créant le ministère. C'était tout », a ajouté Djidjoho. L'étude a conclu que le gouvernement devait élaborer un cadre institutionnel clair et adopter une politique nationale d'évaluation, et que le Bureau devait faire connaître le rôle de l'évaluation dans le processus politique en mettant en place des « journées nationales de l'évaluation. » Indépendamment de l'organisation future du Bureau, Djidjoho a reconnu la nécessité de renforcer la crédibilité de leur groupe au sein du gouvernement et de convaincre les ministres et les fonctionnaires, à tous les niveaux de l'administration, de l'utilité de l'évaluation des politiques. Avec Agbadome, ils ont entrepris de rencontrer des membres des équipes de planification et de suivi dans l'ensemble des ministères. Ces réunions, souvent organisées par petits groupes, visaient à expliquer le rôle du Bureau et son fonctionnement. Au cours de conversations avec les directeurs de la prospective des ministères, ils ont mis en lumière la façon dont les évaluations permettraient d'améliorer les politiques publiques et leurs résultats. « Notre objectif avec ces réunions était d'expliquer la nécessité des évaluations de politiques », a déclaré Agbadome. « Et nous savions que nous devions mobiliser les gens autour de leurs propres intérêts. S'ils comprenaient que l'évaluation pouvait leur être utile, alors ils seraient prêts à travailler avec nous. » Djidjoho a également cherché à faire appel au personnel chargé du suivi de projet en place au sein des directions de la programmation et de la prospective des 26 ministères béninois pour renforcer les capacités nationales d'évaluation des politiques. Il a demandé aux directeurs de la prospective des ministères de sélectionner deux membres de leurs équipes susceptibles d'être des agents de liaison, appelés « points focaux », pour le Bureau. Dans une administration où la transmission de lettres officielles entre ministères nécessitait souvent plusieurs semaines, la mise en place d'un réseau de contacts identifiés dans tous les ministères simplifiait grandement les efforts de coordination du Bureau et dotait l'administration de partisans internes de l'évaluation des politiques. La création du réseau de points focaux « a démultiplié le pouvoir » du Bureau, selon Djidjoho. Le Bureau pouvait en effet compter sur 54 fonctionnaires qui lui étaient affiliés dans l'ensemble du gouvernement, au lieu des deux seuls membres de l'équipe exerçant au ministère du Développement. Des ressources supplémentaires, qui excédaient le budget discrétionnaire de Koupaki pour le BEPP, étaient nécessaires pour renforcer ce réseau. Avec l'accord de Dossou de rechercher des financements extérieurs, Djidjoho s'est tourné vers des partenaires externes, notamment le PNUD et l'UNICEF. Agbadome, ainsi que Kedowide, du PNUD, ont conçu les documents initiaux destinés à la formation et la sensibilisation de tous les points focaux sectoriels. L'équipe du Bureau a également organisé des ateliers pour harmoniser les points de vue et développer les compétences des points focaux. « Le but des ateliers était de mettre les points focaux sur un pied d'égalité avec nous », a déclaré Houssou, qui a conduit les ateliers. « Nous voulions donner aux points focaux les outils de base nécessaires pour procéder à un processus d'évaluation. Il était important d'harmoniser les pratiques évaluatives entre les ministères et d'améliorer les compétences techniques des effectifs. » En 2011, le Bureau a élargi les ateliers pour inclure des fonctionnaires locaux chargés des programmes de suivi et d'évaluation dans l'ensemble des 67 communes ou municipalités du Bénin. Le PNUD et l'UNICEF ont contribué au financement de ces initiatives. Le PNUD et l'Agence française de développement ont également soutenu les premières Journées béninoises de l'évaluation en juin 2010. Organisée par le BEPP, cette conférence de trois jours a réuni des ministres du gouvernement, des points focaux ministériels, des législateurs, des membres de l'équipe du Bureau et des experts internationaux. Renouvelées en 2012 et 2014, les Journées béninoises de l'évaluation ont permis aux points focaux d'approfondir leur compréhension des concepts et des processus de l'évaluation. Au cours des années suivantes, l'agence danoise pour le développement international DANIDA et l'agence allemande GIZ ont aussi contribué au parrainage de ces Journées de l'évaluation. Le principal avantage de la contribution de partenaires externes aux Journées de l'évaluation était « d'accentuer la visibilité du BEPP et d'étendre l'utilisation et la diffusion des rapports d'évaluation », d'après Catherine Bonnaud, directrice pays de l'AFD au Bénin en 2015. Au cours des années suivantes, l'agence danoise pour le développement international DANIDA et l'agence allemande GIZ ont aussi soutenu ces Journées de l'évaluation. Le Bureau a également bénéficié de ses relations avec des partenaires internationaux tels que l'Initiative internationale pour l'évaluation d'impact (3IE - International Initiative for Impact Evaluation) et les Centres régionaux d'apprentissage sur l'évaluation et les résultats (CLEAR - Regional Centers for Learning on Evaluation and Results), coordonnés par la Banque mondiale, pour organiser le déplacement à l'étranger de fonctionnaires béninois afin qu'ils prennent part à des formations de courte durée et qu'ils assistent à des conférences sur l'évaluation. Ces activités ont contribué à diffuser des connaissances techniques et à permettre la professionnalisation des effectifs qui travaillaient sur le suivi et l'évaluation dans toute l'administration. À mesure que les ministres ont commencé à comprendre comment les évaluations pouvaient être des instruments destinés à mettre en évidence les difficultés ainsi que les inefficacités et à identifier des solutions politiques, ils ont progressivement envisagé le Bureau comme un allié plutôt que comme une menace. Les ministres ont dès lors commencé à prendre l'attache de Dossou et Djidjoho pour demander des évaluations, non seulement de politiques publiques en cours d'exécution mais aussi de politiques et de programmes sectoriels nouvellement proposés. Institutionnalisation des évaluations Suite à la réélection de Yayi à la présidence en mars 2011, celui-ci a nommé Koupaki Premier ministre, un poste nouvellement créé pour améliorer la coordination entre les ministres et superviser les affaires courantes du gouvernement. La nomination de Koupaki, originaire du sud du Bénin, a été également considérée comme un moyen de nourrir le soutien politique d'une région qui était traditionnellement acquise à l'opposition. Pour Koupaki, le changement de titre constituait non seulement une confirmation de son rôle de chef de file dans le gouvernement mais aussi une opportunité de renforcer les mécanismes de coordination politique et l'utilisation de l'évaluation par l'administration. Au cours des deux années suivantes, tandis que les fonctions du Bureau sont demeurées pratiquement inchangées, le gouvernement a pris des mesures pour officialiser le rôle de l'évaluation dans le cadre de l'élaboration des politiques. Tout d'abord, le gouvernement a adopté une Politique nationale d'évaluation, tel que recommandé par le rapport de diagnostic du PNUD en 2010. Deuxièmement, il a transformé le Bureau en une direction permanente. Et troisièmement, il a créé un organe consultatif, le Conseil national de l'évaluation, afin de superviser les évaluations des politiques nationales. Agbadome et Djidjoho, avec les contributions du Premier ministre Koupaki et du chef du cabinet Antonin Dossou, ont rédigé une politique nationale fondée sur les procédures d'évaluation qu'ils avaient mises au point pour le Bureau. Un consultant du PNUD, David Houinsa, a revu le document. Si cette politique a été élaborée fin 2011, il a fallu attendre un an de plus pour que le Cabinet adopte une version définitive. Cette politique a permis de préciser la vision du gouvernement concernant l'évaluation comme outil de réforme. « L'adoption d'un document de politique par le gouvernement a fourni un cadre global pour la conduite de politiques nationales d'évaluation et a contribué à légitimer notre rôle dans l'administration », a affirmé Djidjoho. La politique s'appliquait à l'ensemble du secteur public, au niveau central comme à l'échelon local, et garantissait un minimum budgétaire ainsi qu'un soutien organisationnel pour l'évaluation des politiques. Le document définissait le cadre général pour la planification et l'exécution des évaluations, ainsi que la mise en application des conclusions. En outre, la politique exigeait que chaque ministère évalue périodiquement ses politiques globales et qu'il coopère et se coordonne avec le BEPP pour la réalisation d'évaluations. Sans en préciser le montant, la politique prévoyait également un appui budgétaire direct pour le Bureau et pour des activités de formation qui renforceraient les capacités d'évaluation au sein de l'administration. Cette politique nationale a ouvert la porte à l'institutionnalisation de l'évaluation des politiques dans l'administration béninoise. En 2013, le gouvernement a transformé le Bureau de l'évaluation en une direction, un élément permanent du gouvernement, avec pour mission l'évaluation des politiques nationales. Djidjoho est devenu directeur général du nouveau Bureau et la Direction a été dotée d'une petite équipe de fonctionnaires permanents. En août de la même année, Koupaki a démissionné de son poste ministériel. À l'occasion du remaniement ministériel qui a suivi, le président Yayi a déplacé la Direction de l'évaluation des politiques publiques au sein du ministère nouvellement créé de l'Évaluation des politiques publiques, de la Bonne Gouvernance et du Dialogue social, et a nommé à sa tête Antonin Dossou, ancien chef de cabinet de Koupaki. Le nouveau ministère comptait parmi les plus petits en termes d'effectif, et sans le poids financier du ministère du Développement. Dans ce contexte, s'est posée la question de la capacité de la Direction à continuer à jouer un rôle actif dans les discussions relatives à la politique nationale. « Nous devions vraiment nous affirmer pour conserver la même importance et maintenir les mêmes résultats sans la même influence », a expliqué Agbadome, qui avait alors été nommé directeur des études d'évaluation. « Alors même que le remaniement aurait pu avoir eu des impacts négatifs, nous les avons transformés en un discours positif... Nous avons défendu le fait que, dans le nouvel intitulé du ministère, l'évaluation constituait une fonction centrale. L'évaluation était là pour durer. » La Politique nationale d'évaluation requérait également la création d'un Conseil national d'évaluation pour examiner et valider les méthodologies, les résultats et les rapports d'évaluation avant leur présentation au Cabinet. Les membres du Conseil avaient en général des décennies d'expérience de haut niveau dans les affaires publiques et la gestion publique. Le chef de cabinet du ministre de l'Évaluation et Djidjoho, le directeur général de l'évaluation, étaient membres de droit ; les huit autres membres du Conseil comprenaient des représentants d'autres ministères, du cabinet du Président, du milieu universitaire et de la société civile. La Direction de l'évaluation des politiques publiques proposait des candidats pour siéger au Conseil ; l'approbation finale incombait au Cabinet. Le Conseil est devenu actif en 2014. Le groupe se réunissait deux fois par an pendant un ou deux jours pour examiner la méthodologie à utiliser pour les propositions d'évaluations de politiques, pour fournir des contributions détaillées sur les projets de rapports d'évaluation et pour commenter les résultats des études achevées. La validation du Conseil contribuait à renforcer la crédibilité des évaluations qu'il examinait. La Direction assurait le secrétariat du Conseil, convoquait les réunions et distribuait les propositions et les rapports au moins deux semaines avant chaque réunion. Jean-Baptiste Elias, président du Front national des associations de lutte contre la corruption (FONAC), une union de groupes issus de la société civile luttant pour la transparence et la responsabilité du gouvernement, et ancien président de l'Observatoire de lutte contre la corruption, a souligné la diversité des points de vue des membres du Conseil. Seul représentant de la société civile au Conseil, Elias a estimé que le principal avantage du Conseil était qu'il constituait un forum de discussion ouverte sur les points forts et les faiblesses des politiques nationales. « Nous délibérons sur les conclusions et les rapports d'évaluation », a-t-il dit. « Nous repérons les lacunes et les incohérences de la méthodologie comme du fond des conclusions. Si un rapport omet de faire état de cas de corruption, nous discutons ouvertement de ces questions. » SURMONTER LES OBSTACLES Malgré le soutien présidentiel à l'évaluation et le statut plus stable de la Direction de l'évaluation des politiques publiques, les ministères demeuraient peu prompts à intégrer les résultats et les recommandations des rapports d'évaluation. Si ces conclusions étaient présentées au président lors des réunions du cabinet et examinées avec celui-ci, le système béninois ne disposait d'aucun mécanisme pour contrôler la mise en oeuvre par les ministères des changements de politique préconisés. « Nous rendions compte au président de la mise en œuvre de la politique sectorielle et formulions des recommandations sur la manière d'améliorer la situation », a expliqué Dossou. « Nous apportions des recommandations, pas des instructions. » Même si certains fonctionnaires étaient éventuellement disposés à apporter des changements, l'absence d'un système de communication fiable au sein des ministères et entre eux était problématique. Une partie de la difficulté résultait du fait que les rapports étaient destinés à prendre la poussière sur des étagères et n'atteignaient jamais les bureaux des personnes qui en avaient besoin. « Le système de diffusion [des rapports d'évaluation] n'a pas bien fonctionné », a analysé Agbadome. « Il n'existe pas de pratique consistant à centraliser tous les rapports en un seul et même endroit, dans un ministère où tous peuvent y avoir accès. Trop souvent, la personne qui reçoit le rapport se contente de le garder sous le coude. » Afin de s'assurer que les rapports d'évaluation parvenaient effectivement aux personnes concernées, la Direction de l'évaluation des politiques publiques (ex-Bureau d'évaluation) a commencé à envoyer directement des copies des rapports d'évaluation à tous les hauts fonctionnaires du secteur étudié, ainsi qu'à des groupes de la société civile et des partenaires extérieurs. En outre, en 2015, la Direction, alors sous la responsabilité de Abdoulaye Gounou, a mis au point une base de données afin de suivre la mise en œuvre des recommandations formulées dans le cadre des évaluations. Gounou a tenu une série de réunions avec le personnel des directions de programmation et de prospective au sein de chaque ministère afin d'examiner les mesures visant à mettre en œuvre ces recommandations. Néanmoins, en l'absence de sanctions pour les ministres ou les cadres supérieurs qui n'agissaient pas, le processus d'examen manquait encore de force. L'instabilité gouvernementale au Bénin contribuait au manque de suivi par les ministères des recommandations de politique. La rotation fréquente de ministres et les remaniements de portefeuilles ministériels sous l'administration de Yayi exigeaient des hauts fonctionnaires qu'ils apprennent rapidement et il leur était difficile d'obtenir toutes les informations dont ils avaient besoin. En juin 2015, Yayi a nommé un nouveau Premier ministre. À cette occasion, le ministère de l'Évaluation des politiques publiques, de la Bonne Gouvernance et du Dialogue social a été dissout et la Direction de l'évaluation est revenue sous l'autorité du nouveau Premier ministre. Gounou, qui a été nommé directeur général de l'évaluation des politiques publiques en 2015, a souligné les difficultés que les turbulences au sommet de l'État avaient engendrées pour l'administration. « Nous n'avions même pas le temps d'informer correctement un nouveau ministre sur la mission avant qu'un nouveau ne prenne sa place », a-t-il expliqué. Par ailleurs, dans un environnement de rotation élevée des postes ministériels, les fonctionnaires permanents étaient peu incités à mettre en œuvre les modifications proposées par leurs supérieurs hiérarchiques. ÉVALUER LES RÉSULTATS Fin 2015, la Direction béninoise de l'évaluation des politiques publiques (dont l'appellation initiale était le Bureau d'évaluation des politiques publiques) avait mené à bien plus d'une douzaine d'évaluations de politiques publiques dans les domaines de l'agriculture, des finances publiques, de l'éducation, de la santé et de l'énergie. Certaines de ces évaluations - notamment celles consacrées à l'agriculture, la décentralisation et la gestion de l'eau - avaient influencé la conception de nouvelles politiques et la restructuration de ministères. Le Bureau d'évaluation lui-même était passé d'être une petite structure ad hoc rattachée au cabinet d'un ministre à une direction permanente au sein de l'administration. Avec un soutien politique mais des fonds limités, le Bureau avait formé un réseau de fonctionnaires dans l'ensemble du gouvernement et avait renforcé la capacité globale du pays à évaluer les politiques nationales. Les évaluations elles-mêmes mettaient l'accent sur les performances et la mise en œuvre de politiques sectorielles globales pour déterminer leur pertinence, leur efficacité et leur réalisation des objectifs visés. La première évaluation de politique du Bénin, dédiée à l'agriculture, « a été la meilleure en termes de résultats », même si elle a été la plus difficile à réaliser, d'après Djidjoho. Les conclusions de l'évaluation de 2009 ont montré que le ministère n'était pas en bonne voie pour atteindre les objectifs nationaux d'augmentation de la production de coton et d'autosuffisance alimentaire. L'évaluation a entraîné le lancement de deux nouvelles réformes au sein du ministère de l'Agriculture, une révision du Plan stratégique pour la relance du secteur agricole et une restructuration majeure des activités du ministère. La plupart des résultats présentés par l'étude de 2009 « étaient des éléments dont nous avions connaissance et des problèmes que nous avions identifiés car nous avions nous-mêmes fait des études », a déclaré Hodonou, du ministère de l'Agriculture. « Mais l'étude nous a permis de reconsidérer la structure organisationnelle et de lancer une série de réformes qui se poursuivent encore aujourd'hui. » En 2015, les évaluations avaient également entraîné des changements dans d'autres secteurs. L'évaluation des politiques nationales a conduit à la création d'un système de suivi pour contrôler la mise en œuvre de la décentralisation et du transfert de compétences, par exemple. Quant à l'évaluation de la gestion des ressources en eau, elle a accéléré l'adoption d'une loi régissant l'utilisation de l'eau. Le Bureau est parvenu à consolider le soutien à l'évaluation dans l'ensemble du gouvernement. Les efforts de sensibilisation et de communication du Bureau ont accru la demande interne d'évaluations et la prise de conscience de l'utilité des études d'évaluation pour améliorer la conception des politiques publiques. « En 2015, le ministère de l'Environnement a demandé [à la Direction de l'évaluation des politiques publiques] d'effectuer une évaluation de leurs politiques - et a insisté. Ils avaient même indiqué qu'ils étaient prêts à fournir les fonds pour l'évaluation », a expliqué Martin Gbedey, directeur de cabinet du Premier ministre. « L'évaluation s'est institutionnalisée au Bénin. Elle fait désormais partie intégrante des fonctions du gouvernement ». Au niveau opérationnel, la Direction a donné une forte impulsion aux capacités nationales d'évaluation en formant et en établissant des relations de travail avec environ 400 employés gouvernementaux aux niveaux ministériel et local. En 2015, elle disposait d'un budget de près de 300 millions de FCFA (environ 500 000 USD) et d'une équipe d'une douzaine d'employés permanents et contractuels. La Direction avait maintenu la coopération et l'échange de connaissances au niveau régional avec les organismes nationaux d'évaluation des politiques en Afrique du Sud et en Ouganda initiés en 2012. Si ces éléments constituaient un progrès, les critiques faisaient valoir que beaucoup restait à faire. Les effectifs de toutes les directions ministérielles de programmation et de prospective, ainsi que les équipes des municipalités locales, nécessitaient tous une formation plus poussée en matière d'évaluation, si le concept devait s'installer durablement. Les contraintes internes de ressources ont fait obstacle à un développement suffisant des niveaux de compétence dans l'administration. En outre, le ministère dépendait encore de l'aide étrangère pour couvrir la totalité des coûts de formation des effectifs et des programmes de renforcement des capacités. Les critiques estimaient également que les rapports d'évaluation devaient être plus largement diffusés et publiés sur le site Internet de la Direction. En septembre 2015, aucune évaluation de politique n'était accessible sur le site.10 Le Bureau a aussi accompli des progrès tangibles pour assurer la viabilité du processus d'évaluation au sein du gouvernement béninois. Compte tenu de l'adoption de la Politique nationale d'évaluation et la création du Conseil national d'évaluation, les gouvernements futurs pourront difficilement cesser d'avoir recours à l'évaluation en matière de gouvernance. Malgré ces mesures positives, beaucoup estimaient que davantage pouvait être fait pour accroître la demande d'évaluation et exiger des ministères qu'ils tiennent compte des résultats des évaluations. « Un cadre légal pour l'évaluation reste nécessaire au Bénin », a affirmé Damase Sossou, le directeur des études d'évaluation au sein de la Direction. « Nous avons besoin que l'Assemblée nationale adopte une loi rendant obligatoire un système d'évaluation nationale, qui contraindrait les ministères à participer aux évaluations dont ils devraient appliquer les conclusions lors de la mise en œuvre des politiques. » En 2015, les progrès concernant l'intégration de la fonction d'évaluation des politiques au système existant de gestion axée sur les résultats du Bénin sont restés limités. Les deux systèmes - suivi de la performance et évaluation des politiques - fonctionnaient séparément. D'après Éric Vickey, conseiller économique au ministère de la Planification et du Développement, le système d'évaluation des politiques n'avait que peu d'impact direct sur le processus de programmation et de budgétisation. RÉFLEXIONS Posant un regard rétrospectif sur la création, en 2007-2008, du Bureau d'évaluation des politiques publiques (BEPP), Martin Gbedey, qui a assumé les fonctions de conseiller économique du ministre Pascal Koupaki pendant cette période, a rappelé : « À l'époque, c'était le format le plus approprié pour l'évaluation des politiques publiques. » La création du BEPP a constitué une étape vers le développement d'une culture de l'évaluation et de la responsabilité au sein de l'administration béninoise. En tant que petite organisation rattachée au cabinet d'un ministre, le Bureau a permis aux réformateurs de lancer la nouvelle fonction d'évaluation et de plaider en faveur d'une plus grande efficacité politique, sans pour autant susciter la colère des autres ministres et fonctionnaires. « Les gens étaient méfiants vis-à-vis des évaluateurs ; ils considéraient les évaluations comme un moyen pour le gouvernement de dénoncer leur façon de travailler », a analysé Gbedey. Dans un climat politique qui n'était pas favorable aux réformes ou à la notion de responsabilité, le système d'évaluation des politiques représentait l'approche la plus subtile pour examiner et ajuster les politiques des ministères sectoriels - tâche alors controversée et potentiellement perturbatrice - afin de mieux atteindre les objectifs nationaux. Le succès du BEPP est attribuable non seulement à l'approche progressive et diplomatique qui a été adoptée mais aussi à la qualité de sa direction et de sa gestion. Beaucoup ont mentionné le travail réalisé par Koupaki, le ministre de la Prospective, du Développement et de l'Évaluation, qui, pendant les six années passées au pouvoir, a fait des questions de responsabilité et d'efficacité du gouvernement une priorité et a donné l'exemple en ce sens. Son chef de cabinet, Antonin Dossou, et le coordonnateur du Bureau d'évaluation, Aristide Djidjoho, ont mis l'accent sur la mise en place d'un système d'évaluation efficace et ont compris qu'il était nécessaire de construire une coalition de partisans à la fois au Bénin et à l'étranger. Le PNUD et d'autres partenaires externes ont fourni un soutien financier crucial aux activités de base et ont sensibilisé l'option internationale sur le Bureau. La force de cette direction associée à l'engagement ferme d'un président initialement réformiste ont sous-tendu le succès rencontré par le Bénin et constituent des lignes directrices importantes pour d'autres pays qui visent à institutionnaliser le rôle de l'évaluation dans la mise en œuvre administrative de la politique gouvernementale. En 2015, le Bénin était l'un des trois seuls pays d'Afrique et le seul pays d'Afrique francophone doté d'un système formel d'évaluation de la politique nationale ; les autres étant l'Ouganda et l'Afrique du Sud. Trois autres pays francophones, le Togo, le Burkina Faso et le Mali, étaient engagés dans le processus de conception de leurs propres systèmes d'évaluation, inspirés en partie par l'exemple du Bénin. Réfléchissant à l'utilisation de l'évaluation des politiques dans les économies émergentes, Antonin Dossou, ministre de l'Évaluation des politiques publiques du Bénin de 2013 à 2015, a déclaré : « Le bénéfice de l'évaluation des politiques publiques est que celle-ci nous oblige à nous poser une question fondamentale : pour quelles raisons des politiques publiques, fussent-elles bien conçues, ne produisent pas les résultats escomptés, ou n'en produisent aucun ? » Au Bénin, le Bureau d'évaluation des politiques a tâché de répondre à cette question. Le suivi efficace des conclusions et des recommandations des évaluations par les ministères restait toutefois une pierre d'achoppement en 2015. « L'évaluation nous a aidés à identifier les problèmes des politiques et les difficultés de mise en œuvre », a expliqué David Houinsa, le consultant du PNUD qui a mené en 2010 une étude diagnostique des besoins et des défis du pays concernant l'évaluation des politiques. « Cependant, la mauvaise qualité de la gestion dans de nombreux ministères a empêché le gouvernement de mettre en œuvre les conclusions des évaluations. » Jules Yehouenou, un haut fonctionnaire du ministère de l'Évaluation, est revenu sur ses 18 années de carrière au sein du gouvernement et a noté que le Bénin tentait d'améliorer les performances du gouvernement depuis plus de dix ans. « Nous avons essayé toutes les réformes et tous les systèmes sont en place mais, à présent, les ministères doivent les exécuter et accomplir leurs tâches en se basant sur les plans existants. » En prenant l'exemple de l'Afrique du Sud, Damase Sossou, chargé de l'évaluation à la Direction de l'évaluation, a déclaré : « Nous espérons progresser. Les modestes espoirs que nous avions au départ ont été comblés. Mais plus nous avançons, plus nos aspirations sont grandes. » Innovations for Successful Societies produit des études de cas et des publications accessibles à tous et gratuits, dans le cadre des directives des Conditions d'utilisation énumérées ci-dessous. Le référentiel Web ISS est destiné à être une banque d'idées, permettant aux praticiens et chercheurs d'évaluer les avantages et les inconvénients des différentes stratégies de réforme et les effets du contexte. ISS encourage les lecteurs à envoyer leurs commentaires, y compris à suggérer des thèmes supplémentaires et d'autres questions à analyser, des corrections et la manière dont les études de cas sont utilisées : iss@princeton.edu. 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La mission du Centre Bobst pour la paix et la justice est de promouvoir la paix et la justice à travers la compréhension mutuelle et le respect de toutes les traditions ethniques et confessions religieuses, à la fois au sein des pays et au-delà des frontières nationales. Références bibliographiques 1 Au Bénin, Thomas Boni Yayi est souvent appelé Yayi Boni, avec le nom de famille en premier et le prénom en deuxième position. 2 « Perspectives économiques en Afrique 2005-2006 : étude pays sur le Bénin. » OCDE et Banque africaine de développement. http://www.oecd.org/dev/36751570.pdf. 3 Davies, Ian. Revue de l'appui budgétaire au Bénin. 2006. Rapport de mission à l'ambassade du Danemark au Bénin. 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