CREDIT ACCORDE : REFORME REGLEMENTAIRE DE LA MICROFINANCE EN TUNISIE, 2011-2014‎ RÉSUMÉ Au lendemain du soulèvement populaire de 2011 qui précipitait la chute du dictateur Zine el-Abidine Ben Ali, au pouvoir depuis plus de deux décennies, le gouvernement transitionnel de la Tunisie s'est efforcé de répondre aux espoirs des citoyens en quête de nouvelles opportunités économiques. Pour le ministre des Finances par intérim Jalloul Ayed, l'accès limité aux services financiers constituait un obstacle majeur au développement du secteur privé et à la création d'emplois. Réglementé à l'excès, le secteur de la microfinance était quant à lui dominé par une banque aux capitaux majoritairement publics, qui accordait des prêts à des associations à but non lucratif, lesquelles à leur tour consentaient des prêts à des taux excessivement bas. Pour ouvrir l'accès au crédit aux petits entrepreneurs et entreprises, Ayed et sa collaboratrice Emna Kallel ont élaboré une nouvelle stratégie en modifiant les conditions d'octroi et en accueillant des prêteurs privés, placés sous la tutelle d'une nouvelle autorité de contrôle. Si elle a bouleversé le secteur de la microfinance et créé de nouvelles opportunités, la nouvelle législation a perturbé aussi les activités des associations subventionnées par l'État. Quatre ans plus tard, les incertitudes demeuraient toujours, mais le secteur de la microfinance tunisien s'ouvrait progressivement à une économie de marché, dans un nouvel environnement réglementaire favorable à l'expansion du secteur. ‎ Robert Joyce, spécialiste de recherche à l'ISS, et Natalie Wenkers, de l'École des affaires internationales de Sciences Po Paris, ont préparé cette étude basée sur des entretiens menés à Tunis, Tunisie, en septembre et octobre 2015. Financée par l'Agence française de développement, l'étude a été publiée en février 2016.‎ INTRODUCTION Après avoir achevé en juin 2011 une formation de tapissier à Kairouan, ville du centre de la Tunisie, Mokhless Miled a déposé une demande de prêt de 1000 dinars (équivalant de 730 $EU à l'époque) auprès d'une institution de microfinance locale pour acheter une machine à coudre et divers outils afin d'ouvrir sa petite entreprise de restauration de meubles. Quatre ans plus tard, et l'octroi d'un deuxième prêt, il a embauché quatre employés dans l'espoir de développer davantage ses activités. Selon Miled, il serait encore aujourd'hui au chômage sans ces prêts. ‎ Mokhless Miled était loin d'être le seul Tunisien dépourvu de revenus. Une étude de 2010 financée par l'Union européenne (UE) estimait à 1 million de nombre de demandeurs potentiels de microcrédits dans le pays.1 Des recherches ultérieures ont évalué à 3 millions (sur une population de 11 millions de Tunisiens environ) le nombre de demandeurs d'une gamme complète de services financiers2 alors que la majorité des populations rurales ou des ménages pauvres se voyaient refuser des microcrédits pour démarrer leur entreprise. ‎ Dans un grand nombre de pays, les institutions de microfinance offrent une gamme de services financiers - prêts, paiements, épargne, assurance, transferts de fonds et autres - aux consommateurs pauvres, souvent exclus du système financier classique ou formel pour des raisons diverses : prêts trop bas par rapport aux coûts administratifs engagés, risques de défaut de paiement trop élevés ou clients potentiels résidant dans des zones rurales difficiles d'accès. Dans d'autres pays, ces services sont offerts par des institutions financières à but lucratif et non lucratif, des banques publiques et privées et des organisations non gouvernementales.3 Mais en Tunisie, la microfinance était subventionnée par des fonds publics et dominée par une banque publique octroyant des prêts à des centaines de petites associations indépendantes. Vulnérable aux pressions budgétaires et politiques, ce système limitait l'accès aux services financiers, engendrant des retombées négatives sur l'entrepreneuriat, la création d'emplois et l'égalité sociale. ‎ En janvier 2011, un soulèvement populaire dans tout le pays provoquait la chute du président autocratique Zine el-Abidine Ben Ali, ravivant l'espoir d'une rupture définitive avec la mainmise du dictateur sur la vie économique et politique tunisienne, qui avait souvent favorisé un contrôle de l'État, enrichi ses alliés, et marginalisé des millions de Tunisiens.4 Le nouveau gouvernement intérimaire et le ministre des Finances Jalloul Ayed étaient chargés de relever ce défi considérable. Ayed venait à peine de regagner la Tunisie, après une longue carrière dans la banque et la finance internationale, dont dix-huit années à la Citibank, et plus récemment, dans le Groupe de la BMCE, au Maroc. Il voyait dans l'élargissement de l'accès aux services financiers un moyen important d'autonomiser les citoyens et de relancer l'économie. Il réalisait que pour ouvrir plus largement l'accès à de petits prêts, le gouvernement devait réviser les réglementations régissant le secteur subventionné de la microfinance tunisienne et ouvrir l'industrie à des investissements privés tout en protégeant les emprunteurs vulnérables. Et il devait agir vite, car le gouvernement provisoire disposait d'un an à peine avant les prochaines élections.‎ Pour analyser les failles des institutions de microfinance existantes et proposer des recommandations pour de futures réformes, Ayed nommait Emna Kallel, la directrice exécutive d'Axis Capital, une filiale de l'institution financière BMCE.‎ Pendant des mois après la destitution de Ben Ali, les manifestations populaires se multipliaient encore dans la capitale et il suffisait à Jalloul Ayed et Emna Kallel de sortir des locaux du ministère des Finances, au centre de Tunis, pour comprendre à quel point leur mission était cruciale. « Dehors, c'était une véritable révolution, avait constaté le ministre des Finances. Les manifestants criaient, et moi j'encourageais mes collègues à se concentrer sur les réformes dont le pays avait besoin, y compris la microfinance. »‎ LE DEFI Le gouvernement tunisien a joué un rôle prépondérant dans la microfinance comme dans de nombreux secteurs de l'économie. La microfinance relevait de la mission de la Banque tunisienne de solidarité (BTS), qui démarrait ses activités en 1997 avec un capital initial de 30 millions de dinars (équivalent de 22 millions $EU à l'époque). Cinquante-quatre pour cent de son capital étaient détenus par l'État et des organes étatiques, et le reste par des entreprises privées.5 Le gouvernement fournissait des fonds à la BTS pour accorder des prêts sans intérêt à des associations communautaires à but non lucratif, légalement reconnues. Ces dernières fournissaient ensuite des microcrédits à des clients à un taux d'intérêt maximum de 5 %, plus une commission unique d'étude de dossier de 2,5 %.6 Le gouvernement plafonnait les prêts individuels à 5000 dinars (3 800 $EU en 2010), mais la plupart des prêts s'élevaient à 1000 dinars environ (750 $EU). ‎ La BTS prêtait des fonds aux associations sur une base trimestrielle - à condition qu'un minimum de 80 % des prêts aux associations soit remboursé à échéance - permettant des pertes de l'ordre de 20 % maximum. En 2010, un peu plus de dix ans après le lancement du programme, des associations financées par la BTS octroyaient des prêts à 237 000 personnes environ, ou une moyenne de 850 par association.7 (Le directeur général de la microfinance de la BTS Khalifa Sboui et son PDG Mohamed Kaaniche ont refusé de commenter ce rapport.)‎ Ce système de subventions - dont les options de financement étaient très attendues des petits emprunteurs tunisiens, dont Miled le tapissier -recevait un premier accueil enthousiaste, mais l'approche était très problématique. Le taux d'intérêt maximal de 5 % et les frais de traitement modiques perçus par les associations subventionnées par la BTS étaient bien trop bas pour permettre à ces dernières d'atteindre le seuil de rentabilité, aggravant leur dépendance vis-à-vis des subventions publiques sous forme d'investissements en capital, d'aide à l'embauche sous forme de personnel temporaire rémunéré, et parfois de bureaux gratuits ou subventionnés. Ailleurs dans le monde, les institutions de microfinance pratiquaient un taux d'intérêt moyen de 28 % sur les microprêts, dont la moitié partait dans les coûts d'exploitation (avec des valeurs médianes similaires).8 Le taux global reflétait non seulement les risques inhérents à l'octroi de prêts à de nouvelles entreprises et de jeunes entrepreneurs, mais aussi les coûts administratifs de traitement et de gestion de petites transactions multiples.‎ Les associations de microfinance tunisiennes tiraient si peu de profit de leurs prêts qu'elles étaient incapables d'investir dans du matériel informatique, des logiciels financiers et du personnel spécialisé, indispensables pour améliorer et étendre leurs activités. De nombreuses associations enregistraient leurs données sur papier et envoyaient leurs rapports manuellement à la BTS. Sans les outils utilisés partout dans le monde par les institutions de microfinance modernes, nombre d'associations tunisiennes étaient incapables de s'adapter aux changements de fonctionnement du programme de subvention et de chercher d'autres sources de capitaux.‎ Les associations tunisiennes de microfinance enregistraient également des taux de remboursement à échéance inférieurs à ceux des institutions de microfinance ailleurs dans le monde. En 2010, leurs prêts non productifs après trois mois - ou les prêts en cours ayant au moins un paiement en retard de trois mois ou plus - représentaient 27 % de leur portefeuille total de prêts.9 À l'échelle mondiale et dans la région Moyen-Orient Afrique du Nord, ce chiffre était d'environ 2 %.10 ‎ Les associations utilisaient leurs fonds limités pour alimenter un fonds national de garantie destiné à couvrir leurs pertes, mais pour y accéder, elles devaient prouver que le débiteur était incapable de rembourser son prêt et que tous les recours possibles avaient été employés pour recouvrer leurs fonds.11 Le coût du processus était prohibitif, et aucune association n'a pu accéder au fonds de garantie, selon un rapport de la Banque mondiale de 2015.12 Dans la mesure où les associations se fiaient aux prêts subventionnés et à taux zéro de la BTS, leur capital de prêt dépendait des sommes que le gouvernement versait à la banque. « La BTS disposait d'un budget limité, qui ne lui permettait pas de satisfaire les besoins de la population », a expliqué Souhir Taktak, directeur général du département des finances du ministère des Finances entre 2011 et 2014. L'aide publique accordée à la BTS ne suffisait pas à répondre à la demande de microcrédits. Dans d'autres pays, les investisseurs privés intervenaient souvent pour financer des institutions de microfinance, mais en Tunisie, ils se méfiaient du plafonnement des taux d'intérêt et de l'organisation et la gestion défaillantes de nombreuses associations.13 ‎ Ayed et Kallel devaient également gérer la mauvaise réputation de la microfinance qui assombrissait l'image du secteur et du rôle des associations. Nombre de dirigeants politiques et sociaux avaient une mauvaise appréciation du fonctionnement de ce secteur dans le monde, et des avantages qu'il pouvait procurer aux Tunisiens. Après des années de domination étatique sur la microfinance, le secteur était perçu comme un service social réservé aux foyers pauvres des zones rurales, et non comme une entreprise financière légitime à potentiel de profit. Ainsi, le gestionnaire de fonds d'investissement privés Khaled Ben Jilani, un des dirigeants du groupe AfricInvest, a affirmé qu'avant même l'éviction de Ben Ali, des fonctionnaires du ministère des Finances percevaient la microfinance comme une « œuvre de charité ». ‎ D'autres songeaient au népotisme des années Ben Ali et voyaient dans les associations financées par la BTS des outils politiques que leurs dirigeants étaient peu intéressés de réformer.14 Certaines associations subventionnées par la BTS étaient dirigées par des membres importants de la communauté et concédaient des crédits équitablement, mais le gouvernement Ben Ali en avait utilisé d'autres pour détourner des prêts subventionnés vers ses soutiens politiques dans les zones rurales les plus pauvres. Selon Mohamed Hannachi, secrétaire général de l'association de microfinance Moustaqbal domiciliée à Menzel Bourguiba, la situation permettait que des fonds publics soient utilisés à des fins politiques et personnelles. ‎ Pour aider un plus grand nombre de populations à faible revenu à accéder à des services financiers, Ayed et Kallel ont dû travailler avec la société civile, des bailleurs de fonds et le secteur privé pour restructurer le secteur de la microfinance. Les nouvelles réglementations devaient élargir l'accès aux prêts et à d'autres services, protéger les emprunteurs, et attirer des investissements très attendus. En tant que membres d'un gouvernement de transition dont la mission devait s'achever dans moins d'un an, ils devaient également agir sans attendre pour garantir un soutien durable à leurs réformes.‎ ELABORER UNE RÉPONSE Au début de l'année 2011, Jalloul Ayed et Emna Kallel rencontraient un groupe de représentants de la banque centrale, de la BTS, d'associations de microfinance, de l'Agence française de développement (AFD), la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, la Banque européenne d'investissement et l'Union européenne pour discuter des moyens d'élargir l'accès aux services de microfinance en Tunisie. Ce groupe comprenait également l'organisation Enda Inter-Arabe, seul prêteur non subventionné en Tunisie à l'époque. Membre du réseau des institutions de microfinance Enda Tiers Monde basé au Sénégal, Enda Inter-Arabe s'était implanté en Tunisie en 1990 et avait fourni des microprêts dans le cadre d'un programme de développement urbain en 1995.15 L'organisation était devenue un exemple à suivre pour les tenants d'une réforme du secteur. ‎ Le gestionnaire de fonds Khaled Ben Jilani, qui avait investi dans quelques sociétés de microfinance dans toute l'Afrique, voulut sonder le terrain en Tunisie. Lui et des collègues d'AfricInvest jouaient un rôle décisif en rassemblant un groupe de représentants gouvernementaux, de bailleurs du fonds, d'entreprises du secteur privé et d'organisations de la société civile, dont Alice Nègre, collaboratrice du Groupe consultatif d'assistance aux pauvres (CGAP) - un partenariat domicilié à la Banque mondiale préconisant une inclusion financière accrue. Nègre avait fait une longue carrière dans la microfinance et lancé l'agence de notation Planet Rating spécialisée en microfinance, qui lui avait permis d'acquérir des connaissances solides sur le secteur dans le monde entier. ‎ Après la tenue d'une conférence en avril 2011, le ministère des Finances décidait de s'atteler à deux processus parallèles : l'élaboration d'un document de stratégie nationale de la microfinance et la préparation d'une réglementation du nouveau secteur. Les bailleurs de fonds prenaient en charge la rémunération de consultants, dont Nègre, pour travailler avec le ministère.‎ Mais le temps était compté. En tant que ministre des Finances par intérim, Ayed savait qu'il ne lui restait que quelques mois avant les élections et la nomination d'un nouveau gouvernement, et rien ne garantissait que son successeur considérerait la microfinance comme une priorité. Kallel dirigeait la stratégie nationale et le processus législatif, et travaillait sur la première avec Nègre, et sur le second avec Souhir Taktak et un conseiller juridique. ‎ Élaboration d'une stratégie ‎ Alice Nègre et Houda Ghozzi, consultante en stratégie et enseignante à la Mediterranean School of Business de Tunis, travaillaient ensemble sur le document de stratégie. Elles comprenaient rapidement que leurs principaux obstacles seraient l'absence de données sur les marchés et le manque de temps. ‎ Pour sonder la taille du marché potentiel, Nègre et Ghozzi avaient besoin de chiffres exacts sur les taux de pauvreté en Tunisie, d'informations sur les antécédents de crédit des emprunteurs ciblés, et de données statistiques sur les bénéfices et les antécédents de crédit des petites entreprises. L'Institut national de la statistique (INS) avait publié des statistiques officielles sur la pauvreté et les entreprises en Tunisie. Cependant, Ghozzi a expliqué qu'après la publication par le gouvernement intérimaire de chiffres sur la pauvreté basée sur une définition sensiblement différente de celle des statistiques de l'INS, les responsables de l'Institut étaient moins prompts à coopérer. Ghozzi devait alors nouer des relations avec des membres de l'Institut et dilapider un temps précieux à expliquer le projet de microfinance et ses besoins. « J'ai passé des journées entières dans les couloirs de l'INS » pour recueillir des données utilisables, a-t-elle affirmé. « Cela dépend des gens ; ce n'est pas une question de processus. Et c'est le cœur du problème en Tunisie. »‎ Nègre et Ghozzi rencontraient également des représentants d'Enda, de plusieurs banques, d'autres associations de microfinance, des ministères concernés, de la BTS, la banque centrale, et d'autres parties prenantes. Mais selon Nègre, il valait mieux rencontrer chaque représentant séparément, car il était plus enclin à partager ses opinions et ses intérêts dans des conversations en tête à tête. Les gens étaient plus hésitants à exprimer leurs points de vue dans les réunions de groupe auxquelles ils participèrent, a-t-elle ajouté. ‎ Les divers représentants du gouvernement voyaient la microfinance sous des angles différents. Par exemple, le ministère du Travail voulait comprendre comment la microfinance pouvait permettre d'améliorer le marché du travail alors que le ministère des Affaires sociales y voyait un moyen d'aider les pauvres, confie Nègre. ‎ Elle a déclaré également avoir étudié plusieurs stratégies nationales de microfinance, et échangé des réflexions avec un collègue du CGAP en Jordanie, qui élaborait à l'époque une stratégie nationale pour le pays.16 Mais le contexte de la Tunisie était particulier, et les Tunisiens n'étaient pas persuadés que les bonnes recettes des uns pouvaient s'appliquer à leur pays.‎ En octobre 2011, en pleine période électorale, le ministère des Finances publiait la Vision concertée pour le développement de la microfinance en Tunisie (2011-2014), un document de 57 pages décrivant la microfinance tunisienne comme un secteur « à deux vitesses » avec, d'un côté, Enda, qui était rapide et bien géré, et de l'autre côté le réseau d'associations financées par la BTS, plus lent et « actuellement non viable et ne permettant pas de développer une microfinance efficace ».17 ‎ La stratégie était axée sur quatre propositions de politique. Premièrement, une réforme de la réglementation visant à ouvrir le secteur aux établissements à but lucratif et encourager les associations financées par la BTS à fusionner. Cette nouvelle réglementation devait permettre de renforcer les normes du secteur en matière de transparence, renforcer les exigences minimales de fonds propres des prêteurs, et renforcer les politiques de gestion des risques afin de réduire les défauts de paiement. Deuxièmement, l'expansion de l'accès à la microfinance dans les zones rurales à travers des études de marché plus nombreuses, des incitations aux entreprises du secteur privé et la coordination entre le gouvernement, les bailleurs de fonds et d'autres groupes pour assurer une utilisation stratégique des ressources. Troisièmement, la réévaluation du rôle de la BTS et du bureau national des postes, qui proposait des comptes d'épargne aux clients. La stratégie proposait également d'offrir des incitations aux banques privées pour financer les associations de microfinance existantes. Enfin, le document de stratégie préconisait la création d'un bureau de crédit chargé de recueillir des données sur la microfinance des particuliers et les antécédents de crédit traditionnel, la création d'un centre de recherche pour collecter des données sur l'inclusion financière, et la mise en place de formations améliorées aux prêteurs et aux clients sur les pratiques de microfinance internationales.18 Rédaction d'une nouvelle réglementation Selon Emna Kallel, les fonctionnaires du ministère des Finances pensaient qu'ils manquaient de temps entre la conférence du mois d'avril et les élections de juillet, finalement reportées à octobre, pour rédiger une loi totalement nouvelle. Toutefois, malgré un calendrier défavorable, d'autres facteurs ont agi en sa faveur. Tout d'abord, dans une Tunisie privée de parlement, le président était habilité à adopter la loi par décret, ce qui a accéléré son adoption mais limité également les débats. Deuxièmement, la volonté politique était bien là - au moins du côté du ministre des Finances. Troisièmement, les organismes donateurs actifs en Tunisie montraient un vif intérêt pour le projet. Ainsi, aux dires de Corinne Salinas, qui a participé à des programmes de soutien au secteur privé avec l'Union européenne, les groupes de bailleurs de fonds considéraient la microfinance comme un « gain rapide » potentiel pour tous. Le CGAP et l'AFD prenaient en charge la rémunération de consultants pour aider Emna Kallel à rédiger la législation, et l'AFD ainsi que l'UE s´engageaient à verser des fonds supplémentaires pour soutenir de nouvelles initiatives du secteur privé dans la microfinance. ‎ Kallel supervisait les travaux d'Alice Nègre et de Houda Ghozzi et assistait à de nombreuses réunions dans le cadre de leurs recherches sur le secteur, mais elle veillait également à prendre les premières décisions que le nouveau décret devait codifier. ‎ Pour Kallel et d'autres, le plafond de 5 % devait absolument disparaître pour rendre le secteur viable. Les entreprises privées, en manque cruel de capitaux, n'accepteraient jamais d'entrer sur le marché avec un plafond aussi bas. Mais la question de la réglementation des prêteurs comme de la protection des emprunteurs dans un secteur de la microfinance en pleine expansion était plus compliquée. La microfinance s'adressait aux franges les plus vulnérables de la population, et Ayed et Kallel voulaient s'assurer que ces populations seraient protégées. La banque centrale de Tunisie supervisait les banques du pays, qui consentaient des prêts personnels et commerciaux plus importants et acceptaient des dépôts plus élevés, mais Enda et les petites associations tunisiennes avaient fonctionné essentiellement sans supervision.‎ Jalloul Ayed voulait que la banque centrale réglemente le secteur de la microfinance de la même manière que le secteur bancaire traditionnel. Il refusait de créer une catégorie d'institutions de microfinance parallèles mais distinctes de l'industrie de la finance traditionnelle. « Je voulais vraiment que l'industrie de la microfinance soit partie intégrante du système global », a-t-il déclaré. « Cela signifiait qu'elle devait être placée elle aussi sous la coupe de la banque centrale. »‎ Cependant, la banque centrale ne voulait rien savoir de la microfinance. Mohamed Rekik, gestionnaire à la banque centrale de Tunisie avant de devenir son vice-gouverneur en 2012, a expliqué que les dirigeants de la banque pensaient qu'ils devaient protéger les déposants et non les emprunteurs. La microfinance en Tunisie n'impliquait que des prêts, et ne relevait donc pas de la compétence de la banque, a-t-il ajouté. Rekik a rapporté également que la banque centrale n'avait pas la capacité de réglementer plus de 280 associations existantes ainsi que de nouveaux entrants, notamment parce qu'elle s'occupait de mettre en place des réformes majeures dans le secteur bancaire tunisien. ‎ Avec la banque centrale hors du champ, les fonctionnaires du ministère des Finances décidaient que le nouveau décret contiendrait des dispositions stipulant qu'une agence de contrôle superviserait les anciens et les nouveaux prêteurs. La nouvelle agence baptisée Autorité de contrôle de la microfinance (ACM) avait pour mission d'améliorer et de maintenir la qualité du secteur en examinant toutes les institutions souhaitant opérer dans le secteur. Elle avait son propre budget, mais son directeur et son conseil étaient nommés par le ministère des Finances. L'ACM donnait son approbation pour toutes les institutions de microfinance, mais le ministre des Finances devait valider toutes les institutions approuvées. ‎ Le décret-loi aurait pu ouvrir le secteur de la microfinance à un plus grand nombre de produits financiers, notamment des comptes d'épargne, mais Emna Kallel et le personnel du ministère des Finances ont choisi de le limiter à des prêts et des services de microassurance - tout au moins momentanément. Cela s'explique entre autres par le fait que la banque centrale hésitait à réglementer le secteur, mais Nejla Ben Abdallah, du ministère des Finances, explique qu'au sein du ministère aussi, un grand nombre de personnes préféraient agir progressivement : d'abord, faire rentrer des institutions de microfinance de plus grande capacité, puis développer les types de services à offrir. ‎ Il fallait également trouver des moyens d'aider les 280 associations et plus financées par la BTS à s'adapter au nouvel environnement réglementaire. Jalloul Ayed et Emna Kallel comprenaient bien qu'une réforme était nécessaire, mais ils reconnaissaient aussi la valeur des associations et leur rôle dans le système. Il fallait que les associations restent proches des populations défavorisées. ‎ Emna Kallel a expliqué qu'elle a rencontré certaines des plus grandes associations de microfinance et le dirigeant d'une nouvelle fédération d'associations, Slah Dhibi, ainsi que des représentants d'un syndicat d'employés d'associations, mais il était impossible de rencontrer des représentants de tous ces organismes. Il était difficile d'évaluer leurs besoins car ils étaient parfois très différents, et des fonctionnaires du ministère estimaient que peu d'associations avaient le désir - ou la capacité - de se remettre en question. Kallel a rapporté également que les associations constituaient un « système fragile ». Certaines n'ont pas répondu efficacement aux attentes de la population et encore moins aux besoins de leur personnel, et d'autres ont été créées à des fins politiques. Cependant, quelques associations ont réussi à faire du bon travail avec de petits moyens et à servir des foyers pauvres des zones rurales, a-t-elle expliqué. L'objectif était de regrouper ces associations au sein d'une structure plus professionnelle - sans les organisations moins performantes. ‎ Ayed décidait alors de « bousculer tout le système ». Pour recevoir l'accréditation de l'ACM, les associations devaient disposer d'un capital minimum de 200 000 dinars (138 000 $EU en novembre 2011) en l'espace d'un an. Le montant était significativement plus faible que le seuil de 3 millions de dinars (environ 2 millions $EU à l'époque) imposé aux entreprises privées de microfinance, mais il constituait toujours un obstacle pour la plupart des associations à but non lucratif. Selon Kallel, les rédacteurs auraient consulté Slah Dhibi et la BTS avant de fixer de nouveaux seuils. Chaque association devait également respecter d'autres obligations pour l'accréditation, dont la soumission d'un plan d'affaires sur cinq ans et la détention d'un nombre suffisant d'ordinateurs et autres équipements pour remplir les objectifs déclarés. ‎ Les réglementations visaient à améliorer l'efficacité et à renforcer les capacités dans tout le secteur de la microfinance. Kallel a reconnu que le délai d'un an était beaucoup trop court pour restructurer les associations, mais que le ministère voulait envoyer « un signal fort pour une restructuration rapide ». De plus, le ministère savait que les délais pouvaient être prolongés en modifiant la loi. ‎ Jalloul Ayed a affirmé qu'il a décidé d'introduire un capital minimum obligatoire pour encourager les associations à fusionner, croître et trouver des sources de capital alternatives. « Ceux qui s'intéressent à cette activité - banques de développement, institutions de développement et autres - préfèrent parler avec des institutions plus fortes », a-t-il expliqué. « C'était un accord gagnant-gagnant pour tout le monde. Quand on finit par avoir des institutions moins nombreuses mais plus fortes, on atteint deux objectifs : premièrement, les institutions seront capables de rivaliser avec les nouveaux arrivants sur un pied d'égalité. Et deuxièmement, on prépare le terrain pour qu'elles puissent croître convenablement dans le futur. » ‎ Le projet de loi permettait aux associations de fusionner selon diverses modalités avant de demander une accréditation à l'ACM. Au final, le ministère des Finances, l'ACM et la BTS encourageaient les associations à créer des fédérations dans chacun des 24 gouvernorats ou districts administratifs de Tunisie. Mais la loi ne désignait aucune personne ni aucun bureau pour guider les associations dans le processus de restructuration ; et elle ne fournissait pas non plus de fonds pour aider les organismes dépendant des subventions à mener à bien un processus de fusion compliqué. ‎ La loi entrait en vigueur par décret présidentiel en novembre 2011. Elle était approuvée par le Conseil des ministres lors de sa dernière réunion, avant sa dissolution et l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement. ‎ SE METTRE AU TRAVAIL La mise en œuvre des réformes stratégiques incombait à Souhir Taktak - fonctionnaire principal du ministère des Finances qui a travaillé sur le projet dès le début. Les missions de Jalloul Ayed et Emna Kallel s´achevaient après l'entrée en fonction du nouveau gouvernement, et la participation de Souhir Taktak au processus de planification était décisive pour l'avancement du projet.‎ ‎ « Le principe de base tout au long du processus consistait à impliquer les personnes qui allaient mettre en œuvre les décisions », a déclaré Alice Nègre. « Souhir Taktak avait participé à la prise de décision et comprenait suffisamment bien les justifications et les mesures pour les mettre en œuvre. Sa participation a été cruciale pour l'avancement du processus de mise en œuvre. » ‎ Le ministère des Finances devait prendre toutes les décisions liées au personnel et publier des règlements et des ordres détaillés, y compris en spécifiant les mécanismes de création de l'ACM et ses règles de fonctionnement. Le processus démarrait lentement car le ministère était submergé par des problèmes budgétaires et d'autres questions, mais des progrès ont été réalisés dès la première année. ‎ En janvier 2012, le ministère des Finances portait le montant maximum des prêts aux entreprises privées à 20 000 dinars (13 000 $EU à l'époque) et le maximum autorisé pour les organismes sans but lucratif, y compris les associations et Enda, était maintenu à 5 000 $EU. Les fonctionnaires du ministère ne souhaitaient pas voir les institutions de microfinance rivaliser avec les banques traditionnelles dans l'octroi de prêts plus élevés. Enfin, en septembre, un autre décret précisait les procédures opérationnelles de la nouvelle autorité.19 Pour recruter le chef de la nouvelle autorité de contrôle, Taktak a affirmé que lui et ses collègues ont recherché un fonctionnaire doté d'une expérience approfondie de la réglementation bancaire et financière. En novembre 2012, un an après l'adoption du décret-loi, le ministère nommait à la direction générale de l'ACM Mahmoud Mansour, régulateur des banques publiques, y compris la BTS, pendant vingt ans, et titulaire de diplômes supérieurs dans la banque et la finance. ‎ Entre-temps, les bailleurs de fonds qui avaient assisté aux premières réunions sur la microfinance organisées par Ben Jilani (AfricInvest) - y compris l'AFD, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, et d'autres - continuaient à collaborer et coordonner leurs activités pour mieux répondre aux besoins escomptés du nouveau secteur de la microfinance en Tunisie. L'AFD et l'UE, par exemple, acceptaient de subventionner de nouveaux acteurs du secteur privé désireux d'ouvrir des institutions de microfinance en Tunisie. ‎ Dès le départ, Nègre prenait l'initiative d'assurer la coordination entre tous les bailleurs de fonds et entre les bailleurs de fonds et le gouvernement. Conscientes que la nouvelle autorité de surveillance nécessiterait un appui à la gestion, du personnel, des manuels et du matériel de bureau, Nègre et Kallel cherchaient un soutien auprès de la GIZ - une agence de développement allemande spécialisée dans le soutien technique aux institutions des pays en développement - pour faire équipe avec l'ACM. La GIZ avait déjà collaboré avec la Tunisie sur d'autres projets non financiers, mais elle acceptait d'envoyer du personnel pour une mission temporaire en appui à l'ACM. ‎ L'ACM : de la théorie à la pratique ‎ En novembre 2012, le directeur de l'ACM Mahmoud Mansour et la GIZ étaient fin prêts à ouvrir le nouveau bureau et concevoir des procédures. Le bureau en était encore à ses balbutiements, mais la pression était telle qu'il fallait agir vite. Barbara Scola, consultante technique de la GIZ et membre de la mission d'appui à l'ACM, a affirmé que dès le premier jour, les institutions de microfinance ont cherché à s'informer sur l'accréditation.‎ Mansour s´est souvenu qu'il n'avait au début rien de plus qu'un téléphone, un bureau au ministère des Finances... et la clé de son bureau. Lui et la GIZ durant installer un nouveau bureau, aider à rédiger des procédures administratives, et embaucher du personnel qualifié. Jusqu'à l'entrée en vigueur du budget de l'ACM en février 2013, Mansour continuait à percevoir le salaire de son poste précédent, et la GIZ aida à couvrir certains coûts. En juillet 2013, l'ACM emménageait dans ses propres bureaux, dans les locaux d'une banque étatique.‎ ‎ « Il y avait d'énormes pressions pour sortir rapidement la première licence. On a essayé d'être rapide tout en mettant en place des systèmes et des procédures durables et solides, qui seraient respectés par tous les acteurs », a expliqué Scola. « Ces deux objectifs étaient un peu contradictoires, et c'était difficile à gérer pour la nouvelle autorité. »‎ S'agissant du recrutement du personnel, Mansour a dit qu'il souhait embaucher de jeunes diplômés des universités - qui pouvaient apporter des idées neuves - et des fonctionnaires aguerris aux procédures réglementaires du gouvernement. Cependant, nombre de hauts fonctionnaires ont hésité à abandonner leurs postes pour la microfinance. Ils y voyaient une forme d'aide sociale plutôt qu'une industrie rentable. Les jeunes professionnels hors du secteur public étaient plus faciles à former et avaient parfois une meilleure éthique de travail. Mansour rappelait même que plusieurs séances de formation organisées par la GIZ et le CGAP avaient permis d'exposer son personnel aux pratiques de la microfinance internationale et aux expériences des autres pays. ‎ ‎ « L'autorité a pris une bonne décision en embauchant des jeunes », a affirmé Scola, formée à la microfinance et ancienne collaboratrice du CGAP. La définition des procédures de recrutement de l'ACM a pris beaucoup de temps, a-t-elle ajouté. En 2015, l'ACM ne comptait que neuf employés mais le ministère des Finances et la banque centrale ont décidé de mettre du personnel à disposition de l'ACM sur de courtes périodes pour répondre aux besoins immédiats pendant la période de recrutement. ‎ Réunions du Conseil et accréditations Le décret-loi de novembre 2011 et les règles de suivi portaient création d'un conseil consultatif de l'ACM pour examiner les demandes d'accréditation, gérer toutes les lois relatives à la microfinance, et approuver le budget et d'autres actions internes proposées par le directeur. Le conseil comprenait des représentants du ministère des Finances, de la banque centrale, des autorités judiciaires et d'autres branches du gouvernement. Chaque institution désignait ses propres représentants, qui étaient officiellement nommés par le ministre des Finances, selon Nejla Ben Abdallah, Directrice à la direction générale du Financement au Ministère. Houda Ghozzi, qui a travaillé sur le document de stratégie nationale, a intégré le conseil à un poste exigeant une expertise en microfinance. En avril 2013, le ministère des Finances a nommé les membres du conseil, qui se sont réunis pour la première fois en juillet 2013, puis environ une fois toutes les six semaines. ‎ Pour déposer une demande d'accréditation, les entreprises privées devaient soumettre plusieurs documents en français et en arabe, dont une attestation de capital de 3 millions de dinars (1,8 million $EU à mi-2013), et disposer des curriculum vitae de tout leur personnel, de plans d'affaires détaillés, y compris des études de marché, des justifications des taux d'intérêt, des stratégies de profit, des perspectives sur cinq ans, une évaluation des risques, des organigrammes et des politiques de recrutement.20 Les entreprises remplissant les conditions requises recevaient dans un premier temps un agrément provisoire de l'ACM et du ministère des Finances, puis une accréditation finale après inspection de leurs bureaux. ‎ En juillet 2013, l'ACM et son conseil étaient confrontés à un test initial avec le dépôt de la première demande d'accréditation par une entreprise privée tunisienne, Taysir. Nidhal Trabelsi, un investisseur tunisien et ancien collègue de Ben Jilani chez AfricInvest, a participé au démarrage de Taysir, dont certains actionnaires étaient une institution de microfinance française et des banques tunisiennes.‎ Ghozzi s´est souvenue que des membres du conseil hésitaient à approuver la candidature de Taysir, notamment à cause des taux d'intérêt prohibitifs pratiqués dans le modèle de microfinance privée. Elle a affirmé que les membres du conseil pensaient qu'aucun entrepreneur pauvre ne pourrait assumer les taux d'intérêt de 25 à 30 % facturés par des entreprises comme Taysir et Enda. « À l'ACM, on s'est battus pendant des heures juste pour les convaincre que la microfinance devait exister. », Ghozzi a expliqué que la GIZ a contribué à organiser des sessions de formation pour le conseil, mais qu'un grand nombre de ses membres n'y ont pas assisté. ‎ ‎ « La perception de la microfinance n'est pas la même pour tout le monde, en particulier lorsqu'on soulève la question des taux d'intérêt, a expliqué Mansour. Il y a certainement eu une incompréhension du [secteur] ».‎ Bien que les membres du conseil aient été choisis pour leur expérience de la réglementation, peu avaient des connaissances directes sur les modalités de fonctionnement de la microfinance à l'extérieur de la Tunisie. « La microfinance est un secteur nouveau, et les membres du conseil n'avaient pas une réelle expertise », a précisé Ben Abdallah.‎ Houda Ghozzi a également expliqué que lorsque ses arguments n'ont pas réussi à convaincre les sceptiques du conseil, elle a embauché une aide chez Enda, qui avait exercé des activités dans la microfinance pendant près de deux décennies. Enda permettait au conseil de discuter avec certains de ses clients, y compris des emprunteurs qui avaient prospéré ou des clients insatisfaits ou confrontés à des difficultés. ‎ En mars 2014, les membres du conseil de l'ACM rencontraient des clients d'Enda, et en sortaient convaincus que les prêts accordés par Enda et des institutions similaires avaient aidé les emprunteurs, a ajouté Ghozzi. Ils pensaient toujours que les taux d'intérêt étaient trop élevés, mais le conseil avait compris comment les clients d'Enda, qui avaient souvent bénéficié d'une formation professionnelle ou financière, pouvaient se permettre de payer progressivement les petits prêts tout en retirant des bénéfices. L'ACM approuvait la demande, et le ministre des Finances signait l'accréditation de Taysir plus tard dans le mois.21 ‎ L'actionnariat étranger était un autre point de désaccord avec le conseil. Les actionnaires de Taysir étaient surtout tunisiens, mais le candidat suivant, Microcred, était une société française. Ghozzi a rapporté que le conseil hésitait à laisser des entreprises étrangères tirer profit des plus pauvres dans leur pays. ‎ Le conseil finissait par approuver la candidature après avoir demandé et obtenu du ministère des Finances une ordonnance soutenant l'approbation de sociétés de microfinance étrangères, a déclaré Ghozzi, ajoutant que la position du ministère ne faisait que refléter celle du gouvernement à l'égard des capitaux étrangers, compte tenu de l'économie chancelante après la révolution. « Ces gens apportent de l'argent, ils apportent des millions d'euros que notre gouvernement n'a pas, et nous ne pouvons pas nous comporter comme si nous étions un pays riche. Nous sommes un pays pauvre et nous avons besoin de cet argent. »‎ De nouvelles entreprises entrent en jeu Le soutien de l'UE, de l'AFD et d'autres donateurs aidait les entreprises privées à naviguer dans les nouvelles réglementations stipulées dans le décret-loi, et les encouragea à mettre en place des opérations de microfinance en Tunisie. Taysir, fondée par des Tunisiens en partenariat avec Adie, un organisme à but non lucratif français, utilisait des fonds de subvention et un leadership expérimenté pour devenir rapidement opérationnelle et autonome. Advans Tunisie, filiale d'une société de microfinance domiciliée en France et au Luxembourg, se reposait sur son expérience dans d'autres pays pour débuter ses opérations en Tunisie. ‎ Après l'entrée en vigueur du décret-loi en novembre 2011, Nidhal Trabelsi et d'autres fondateurs de Taysir ont formé le partenariat avec l'association de microfinance Adie pour la construction d'une société tunisienne de microfinance. Trois mois plus tard, les fondateurs déposaient une demande de financement de 5 millions d'euros (6,5 millions $EU en février 2012) auprès de l'Union européenne dans le cadre d'une initiative de l'UE visant à soutenir les activités des institutions de microfinance dans les zones rurales tunisiennes. La demande était acceptée en mai. La nouvelle société recevait également 1 million d'euros (1,4 million $EU en mars 2014) de financement de l'AFD, à condition de recevoir l'autorisation de prêter en Tunisie. ‎ La société Taysir démarrait officiellement ses activités en mars 2013 et déposait une demande d'accréditation à l'ACM un mois plus tard. Trabelsi, à l'époque démissionnaire d'AfricInvest, a raconté que le processus avait été très long mais simple. « En toute franchise, cela a nécessité beaucoup de temps et d'efforts, mais une fois que nous avions fait la demande et soumis un tas de documents, cela a été très bien organisé », a-t-il dit. ‎ Cependant, le processus d'accréditation durait une année complète, au cours de laquelle Taysir devait ouvrir ses portes pour une inspection. Le ministère des Finances et l'ACM finissaient par accorder une accréditation à Taysir en mars 2014. ‎ Pour le recrutement de personnel, la société Taysir cherchait du côté des jeunes diplômés qui pouvaient avoir une éthique de travail solide et une capacité à traiter avec un large éventail de clients. Selon Trabelsi, les procédures financières de la société ne requéraient aucune formation spécifique dans le secteur bancaire, l'économie ou la finance. L'association française Adie, actionnaire minoritaire de Taysir, participait au développement d'un programme de formation du personnel.‎ La nouvelle entreprise rencontrait quelques problèmes au début. Tout d'abord, Taysir devait développer ses propres systèmes de technologie de l'information pour gérer les prêts et la collecte des données. Trabelsi a expliqué que l'entreprise avait peut-être ouvert trop de succursales trop rapidement, sans mettre en place des mécanismes de gestion centraux solides. La société Taysir ouvrait quatre succursales la première année, y compris dans des zones rurales, afin de répondre aux conditions de financement de l'Union européenne. ‎ L'autre entreprise privée, Advans, travaillant en Asie et en Afrique depuis 2005, décidait de s'implanter en Tunisie en 2012. Gael Briot, PDG de la filiale tunisienne, a déclaré que la société a commencé par une étude de marché avant de demander l'accréditation initiale de l'ACM. Des bailleurs de fonds européens l'ont soutenu avec un total de 1 million € de subventions pour la filiale tunisienne. ‎ Selon Briot, Advans avait envoyé une petite équipe de personnels expérimentés en Tunisie pour réaliser des études de marché plus approfondies, chercher des locaux, et commencer à recruter. Briot et deux autres membres du personnel ont arrivé en Tunisie en septembre 2014, après Advans a été accrédité provisoirement par le ministère des Finances. Sur la base des résultats de l'étude de marché, Advans a décidé de se concentrer sur les petites et très petites entreprises des zones urbaines où beaucoup de foyers, malgré la proximité de banques, ne pouvaient accéder à des prêts. « Dans toutes les zones de Tunis, il y a des clients potentiels. Il y a des petits commerçants, des petites initiatives de service à l'industrie, et ils n'ont accès à aucun type de prêt », a déploré Gael Briot. ‎ Advans a rencontré les mêmes problèmes de recrutement de personnel que Taysir et l'ACM. Parce que la microfinance financièrement viable était toute nouvelle en Tunisie, peu de professionnels chevronnés étaient disponibles. Pourtant, Briot a affirmé que les prêts accordés par Advans en Tunisie n'étaient pas compliqués, la méthodologie était spécifique à Advans, et les jeunes diplômés apprenaient rapidement. Advans a également tiré parti de ses 5000 employés dans le monde en tant que banque de connaissances, organisant des ateliers régulières entre des agents de crédit expérimentés venant de l'extérieur et le nouveau personnel en Tunisie. ‎ Gael Briot, qui avait travaillé dans la microfinance dans six pays avant de s'implanter en Tunisie, a fait remarquer que le niveau de développement relativement élevé de la Tunisie par rapport aux pays où Advans a travaillé a facilité le démarrage du processus.‎ Advans a ouvert ses portes en mars 2015 et, en septembre, comptait une deuxième succursale, avec un effective d'environ de 65 agents dans le pays et visant à élargir à 100 avant la fin de l'année. ‎ SURMONTER LES OBSTACLES En novembre 2012, un an après l'entrée en vigueur du décret-loi de la microfinance, la BTS interrompait le financement de plus de 280 associations à but non lucratif sous prétexte qu'elles n'avaient pas satisfait aux obligations légales de capital minimum et à d'autres normes. Malgré les réunions d'Emna Kallel avec les représentants des associations et le dirigeant de leur fédération, il était difficile de savoir si ces dirigeants avaient véritablement compris les ramifications du décret-loi de 2011 - jusqu'à l'interruption de leur financement. Plusieurs personnes impliquées dans l'élaboration et la mise en œuvre des réformes ont déclaré que l'impact négatif soudain de la loi sur les centaines de petites associations était une conséquence prévisible du décret et du manque de suivi de la conformité des associations. « La nouvelle loi n'a pas été rédigée pour ces associations. Les gens espéraient qu'elles disparaissent », a déclaré Barbara Scola, conseillère technique de la GIZ qui a travaillé avec l'ACM. « C'était une faiblesse de la nouvelle loi : elle n'avait pas prévu comment réformer le système existant. »‎ Selon Alice Nègre, après des années de soutien de l'État, on ne pouvait pas s'attendre à ce que des associations se restructurent aussi rapidement. « Pendant des années, elles ont été subventionnées par le gouvernement et, subitement, elles devaient se conformer à de nouvelles procédures, un nouveau capital minimum, une nouvelle structure de gouvernance, etc., a-t-elle expliqué. Bien que le ministère des Finances leur ait fourni certaines informations, les associations s'attendaient à avoir plus d'indications, un plan de transition clair et un financement pour couvrir les coûts de remise à niveau. » ‎ Tout cela faisait l'effet d'une « bombe », selon Katia Mehanneche de MicroMED, projet soutenu par le gouvernement luxembourgeois et la Banque européenne d'investissement qui a démarré fin 2013 pour soutenir le secteur de la microfinance en Tunisie. « Il était impossible de restructurer le secteur en un an ; tout le monde le savait. »‎ La quasi-totalité des associations avaient besoin de soutien pour répondre aux obligations du décret-loi de 2011. Dans certaines circonstances exceptionnelles, si une association remplissait la condition des 200 000 dinars (138 000 $EU en novembre 2011) de capital minimum requis, ce que peu ont fait, elle pouvait choisir de déposer toute seule une demande d'accréditation - un processus requérant des études de marché sophistiquées et la planification des activités. L'association ASAD a déposé une demande d'accréditation en décembre 2014. La GIZ finançait un consultant pour élaborer avec cette association un plan d'affaires et répondre à d'autres exigences, selon la direction de l'ASAD. En août 2015, l'ACM et le ministère des Finances lui ont délivré une accréditation. ‎ La majorité des associations ne satisfaisant pas à l'obligation de capital minimum requis avaient besoin d'une expertise pour les aider à fusionner avec des associations de pairs. Des réglementations ultérieures publiées après le décret de novembre 2011 mentionnaient les procédures à suivre pour être en conformité.22 Outre les documents à présenter à l'ACM, les associations désirant fusionner devaient expliquer les raisons de cette fusion, en défendre la faisabilité financière, présenter des descriptifs des actifs et des passifs de toutes les associations impliquées, produire de nouveaux organigrammes et écrire un plan d'affaires. En outre, certaines associations avaient des dettes correspondant aux coûts de main-d'œuvre et de services publics qui devaient être soldées avant la fusion.‎ Pendant 2013 et la plus grande partie de 2014, les associations manquaient cruellement de financement. « À l'époque, personne n'avait envie de travailler avec les associations, en particulier celles qui n'étaient pas connues pour avoir des pratiques efficaces, a déclaré Mehanneche. À cette époque, les autorités ne demandaient pas d'assistance technique pour aider les associations à faire appliquer le décret. Lorsque des gens des associations ont commencé à se plaindre à l'ACM, les autorités ont compris l'urgence de les aider. »‎ Le ministère des Finances, la BTS et l'ACM ont convenu que, idéalement, les plus de 280 associations devraient être réduites à 24 - une par gouvernorat tunisien -, mais pendant des années aucun plan ne vit le jour sur la façon d'aider les associations à fusionner dans ce but. « Les associations ne disposent pas des moyens de se restructurer. L'État doit leur apporter un soutien », a déclaré le directeur de l'ACM Mahmoud Mansour. « Et ce n'est pas le rôle de l'ACM. » Selon lui, l'ACM n'était là que pour faire respecter la loi et sélectionner les institutions de microfinance éligibles à une accréditation. ‎ Le ministère des Finances avait d'autres priorités, et les fonctionnaires pensaient au début que l'aide aux associations n'était pas de leur ressort ou que les associations ne voulaient pas être aidées. Il était également difficile de les aider car elles étaient dispersées sur tout le territoire, et elles avaient des besoins et des procédures de gouvernance très différents. « Nous avons estimé que les associations n'étaient pas prêtes à changer », a déclaré Ben Abdallah, qui travaillait pour le département des finances du Ministère à l'époque. « Elles voulaient que rien ne change. Nous avons dû définir des normes internationales et mettre en place des procédures de transparence et de bonne gouvernance. »‎ Selon Emna Kallel, qui a quitté le gouvernement en décembre 2011, le soutien de la BTS ou d'ailleurs à la restructuration des associations aurait dû être plus important. « Le [décret]-loi de 2011 a ouvert la porte à la restructuration. Mais par la suite, quelqu'un aurait dû contrôler et superviser le processus. »‎ ‎ « Le problème est que le ministère des Finances a sous-estimé les difficultés et le coût de la restructuration, a affirmé Mehanneche. Le ministère doit aussi gérer beaucoup de restructurations de [banques publiques] et d'autres priorités. » Et selon Souhir Taktak, la BTS ne voulait pas vraiment collaborer avec les associations. ‎ En novembre 2013, un an après que la BTS a cessé de recapitaliser les associations, MicroMED, où se trouvait Katia Mehanneche, a financé un atelier réunissant les représentants des conseils des associations, l'ACM, le ministère des Finances et la BTS pour expliquer la loi et les moyens de s'y conformer.23 L'événement durait une semaine. Selon Katia Mehanneche, beaucoup d'explications étaient trop techniques pour les représentants des associations qui, en règle générale, n'avaient aucune culture financière. « Les gens étaient très émotifs et demandaient pourquoi le ministère voulait adopter [le décret-loi de 2011] », a-t-elle expliqué. ‎ MicroMED tentait d'aider les associations du gouvernorat intérieur de Siliana et du gouvernorat du nord de Bizerte à se regrouper pour obtenir une accréditation. Idem pour Mercy Corps, organisation humanitaire et de développement domiciliée aux États-Unis, qui a essayé de travailler avec celles du sud de la Tunisie sur l'accréditation. Cependant, en 2015, l'établissement de nouveaux plans de gouvernance et la résolution des encours de la dette constituaient de véritables défis. « Les associations avaient l'impression de voir leur maison brûler, a dit Mehanneche. Elles criaient et demandaient de l'aide tous azimuts, mais personne n'est venu. » De nombreuses associations ont coupé ou suspendu les salaires de leur personnel pour sauvegarder leurs activités. Et les travailleurs et leurs partisans commenceraient bientôt à protester devant le bâtiment du ministère des Finances à Tunis. ‎ Pour Houda Ghozzi, les manifestations ont surpris : « Nous ne nous attendions pas à ce qu'elles soient si révolutionnaires. » La plupart des dirigeants des associations et leur personnel croyaient que le gouvernement était tout simplement en train de les fermer. « Ils protestaient, mais ils ne comprenaient pas qu'il y avait une solution », a-t-elle expliqué, faisant référence aux options de restructuration et à l'accréditation autorisées par le décret-loi de 2011. « Peut-être n'avons-nous pas su expliquer correctement les choses. » ‎ Les associations ont trouvé finalement une oreille attentive auprès de l'Assemblée nationale constituante, élue en octobre 2011 pour rédiger la nouvelle constitution du pays et habilitée à annuler ou modifier le décret de microfinance original. « C'est un argument facile », selon Barbara Scola de la GIZ. « Ils disaient, ce [décret] loi permet aux institutions étrangères, des institutions françaises, de venir conquérir le marché de la microfinance tunisienne. Et vous nous tuez, nous les associations locales qui existons depuis des années. »‎ L'ACM et le ministère des Finances étaient prêts à modifier la loi mais ils voulaient aussi protéger le secteur privé. Des groupes de bailleurs craignaient que l'assemblée réduise à néant tous les progrès accomplis. Mahmoud Mansour rencontrait des membres des associations pour leur expliquer le secteur de la microfinance privé naissant, son utilité et les changements qui pouvaient être apportés pour soulager les difficultés des associations sans ralentir ou inverser le progrès. Aux yeux de Barbara Scola, le lobbying de Mansour a été efficace. « Je suis persuadée que c'est dû à sa manière de défendre le projet et de convaincre les gens du bien-fondé du projet pour la Tunisie - et pour leurs proches, a-t-elle expliqué. C'est ce qui a permis au projet de maintenir le cap. »‎ En juillet 2014, l'assemblée a publié un amendement au décret de 2011, réduisant de 75 % le montant du capital minimum requis pour les associations, soit 50 000 dinars (30 000 $EU en juillet 2014) au lieu de 200 000 dinars (120 000 $EU), et accorde aux associations deux années supplémentaires pour se conformer à cette nouvelle exigence. Ni l'ACM ni le ministère des Finances ne se sont pas opposés à l'amendement, qui ne prévoyait pas de financement ou d'assistance publique pour aider les associations à se restructurer. ‎ La loi prévoyait également un plafond sur les taux d'intérêt, fixé par le ministère des Finances, ce qui inquiétait certaines entreprises de microfinance et divers observateurs. Selon Ben Abdallah, du département des finances du ministère, la limite supérieure serait déterminée par un comité et servirait probablement de référence pour le taux d'intérêt des prêteurs de microcrédit du secteur privé. À la fin de 2015, le ministère n'avait toujours pas mis en place ce comité. ‎ ÉVALUER LES RÉSULTATS ‎ En pleine période d'instabilité politique et de décisions prises à la hâte, Jalloul Ayed, Emna Kallel, Alice Nègre et d'autres ont réussi à réformer les réglementations qui avaient étouffé le secteur de la microfinance tunisien et sa viabilité. La mise en œuvre de ces réformes a perturbé les prêteurs de microfinance existants, mais elle a projeté le secteur sur une trajectoire potentielle de croissance future. ‎ Les acteurs impliqués dans les réformes réglementaires de la microfinance de 2011 et dans le travail qui a suivi ont reconnu que l'extension de l'accès aux services financiers était leur objectif principal. Et malgré le manque d'informations, à partir de 2015, l'augmentation du nombre de clients au sein des nouvelles entreprises privées de microfinance et Enda n'avait pas encore compensé la baisse des clients des associations de microfinance financées par la BTS. ‎ Les quatre nouvelles entreprises privées qui devaient ouvrir en Tunisie en 2013 en étaient encore à leurs balbutiements fin 2015 et devaient encore s'emparer d'une part importante du marché. À la fin 2015, Taysir comptait 3500 prêts actifs et un portefeuille de 6,2 millions de dinars (3,2 millions $EU en octobre 2015), selon Trabelsi. Gael Briot a dit qu'Advans avait émis environ 700 prêts et possédait un portefeuille de 2,7 millions de dinars (1,4 million $EU). Deux autres entreprises se situaient dans une gamme similaire, avec quelques centaines à quelques milliers de prêts accordés.‎ Les nouvelles entreprises privées comblaient différentes niches en offrant une plus grande diversité de prêts sur le marché de la microfinance et en répondant aux besoins des divers groupes d'emprunteurs. Taysir, première société privée accréditée par l'ACM, accordait des prêts de 500 à 20 000 dinars (250 à 10 000 $EU en octobre 2015) à des agriculteurs, des propriétaires de petites entreprises urbaines et des jeunes, et offrait également des produits spécialisés, dont un destiné aux producteurs laitiers. Advans ciblait de très petites entreprises à Tunis et dans d'autres villes. Le Centre financier aux entrepreneurs (CFE), mis en place par la société canadienne Desjardins, a reçu une accréditation de l'ACM et du ministère des Finances en avril 2015. Il s'est spécialisé dans les grands microcrédits - prés du plafond de 20 000 dinars (10 000 $EU en octobre 2015) - aux petites et moyennes entreprises qui n'étaient pas satisfaites des prêts disponibles auprès des banques. (AfricInvest a investi dans le CFE, et Khaled Ben Jilani a aidé l'entreprise à obtenir son accréditation ACM.)‎ Géographiquement, cependant, les nouvelles entreprises devaient encore s'implanter dans les régions peu développées de l'intérieur, du sud et de l'ouest de la Tunisie. Début 2016, des manifestations dans les villes de l'ouest demandaient un accès plus facile aux prêts dans le cadre d'une stratégie de création d'emplois, ont souligné tant le travail à faire pour une meilleure inclusion financière que les problèmes de sécurité et de stabilité liés à l'ouverture de nouvelles opérations de prêt.24 ‎ Après 2011, la clientèle et la portée géographique d'Enda ont grandi considérablement, potentiellement à cause des problèmes au niveau des associations subventionnées par la BTS.25 À la fin de l'année 2015, Enda a eu environ 270 000 emprunteurs et un portefeuille de prêts de 300 millions de dinars (148 millions $EU à l'époque), selon son cofondateur Michael Cracknell. En janvier 2016, Enda Tamweel, un fournisseur de microcrédit à but lucratif mise en place par Enda, a démarré ses activités après être devenue la sixième institution accréditée par l'ACM et le ministère des Finances.26. Enda Tamweel, dont l'actionnaire majoritaire était Enda, a pris en charge des activités de prêt pour les crédits de 20 000 dinars ou moins (9 000 euro en octobre 2015), contre un plafond de 5000 dinars (2250 $EU) pour les micropréteurs non lucratifs. Enda, l'organisme à but non lucratif, continuait de fournir à ses clients des services de soutien financés en partie par les profits d'Enda Tamweel. ‎ Comparées à Enda, les associations financées par la BTS s'en tiraient très mal. Après la reprise du financement de la BTS en juillet 2014, elles ont compté environ 150 000 clients, soit une énorme baisse par rapport à 237 000 en 2010. Sur 289 associations en 2010, environ 150 ont survécu en 2015, selon un rapport de la Banque mondiale.27 L'ASAD a été la seule association à recevoir une accréditation définitive, que ses dirigeants et l'ACM attribuaient en grande partie au soutien de la GIZ. L'ASAD devait encore trouver une source stable de capitaux en dehors de la BTS, selon ses dirigeants. ‎ Les personnes qui ont contribué à créer l'ACM et des entreprises accréditées ont considéré que l'agence de contrôle et le processus d'accréditation constituaient des aspects positifs du décret de 2011. À la fin de 2015, l'ACM avait émis cinq accréditations à quatre sociétés de microfinance privées et une association à but non lucratif. Selon Mahmoud Mansour, l'agence avait rejeté un candidat qui n'avait pas présenté les documents appropriés et au moins deux autres accréditations devaient être accordées dans l'année. Malgré des retards dans la mise en place de l'autorité et la délivrance des accréditations, les prêteurs agréés et les personnes qui ont travaillé avec l'ACM semblaient satisfaits de sa performance. ‎ ‎ « Tout bien considéré, la première licence a été accordée un an et deux mois après le démarrage de l'autorité. Vu les circonstances, je pense que ce n'est pas si mal », a estimé Barbara Scola, faisant référence à l'instabilité politique en Tunisie à l'époque. ‎ Même constat pour Gael Briot, d'Advans. « En Tunisie, il s'agit d'une nouvelle loi, de nouvelles personnes, d'un nouveau gouvernement, d'une nouvelle activité : les gens en charge de l'ACM ne savaient rien sur la microfinance avant 2011. Et si l'on tient compte de tout cela, l'octroi de cinq licences en quatre ans, c'est tout à fait honorable. »‎ Des prêteurs accrédités ont pensé que le processus d'accréditation était équitable, mais un peu trop long, les procédures de l'ACM étaient moins lourdes que les systèmes de licence dans certains pays. De la première demande à l'approbation finale, le processus dans son ensemble prenait de huit mois à un an, y compris le temps pour les sociétés d'emménager physiquement et d'ouvrir leurs portes à des inspections sur site. Selon Gael Briot, la collecte des documents nécessaires pouvait prendre trois ou quatre ans dans d'autres pays, même lorsque la microfinance est beaucoup mieux établie. ‎ Fin 2015, l'ACM a rédigé deux manuels avec des instructions pour son personnel - le premier sur les inspections hors site et le second sur les inspections sur le site des institutions de microfinance - pour vérifier la conformité avec les conditions d'accréditation, y compris le plan d'affaires et les conditions de prêt, a déclaré Mahmoud Mansour. Il espérait embaucher plus de personnel dans l'année à venir et commencer les inspections des prêteurs accrédités. ‎ La spécialiste de la microfinance Alice Nègre ainsi que d'autres acteurs impliqués dans l'élaboration des réformes ont estimé que l'ACM a bien fait d'accréditer des prêteurs de grande qualité. Une mesure de qualité, selon eux, était le traitement des emprunteurs. Sans un plafond sur le taux d'intérêt et en pleine période d'élaboration des règlements visant à protéger les emprunteurs, l'ACM a délivré des accréditations à des entreprises expérimentées qui avaient réussi ailleurs. Selon Alice Nègre, « ces entreprises n'ont aucun intérêt à devenir des usuriers. Ils ont une réputation à défendre ». ‎ RÉFLEXIONS ‎ Durant les mois difficiles qui séparaient l'éviction de Ben Ali de l'élection du nouveau gouvernement, et alors que des manifestants protestaient dans les rues de la ville, le ministre Jalloul Ayed s´est souvenu de ce qu'il voulait dire à son personnel lorsque les réformes à moyen et long termes semblaient encore des concepts abstraits. « Ne soyez pas déconcertés par ce qui se passe aujourd'hui, se souvient-il d'avoir dit. Tout cela va finir, et ce qui restera, c'est ce que nous faisons maintenant pour aider la société et ceux qui sont dans le besoin. »‎ Les décideurs et les conseillers impliqués dans le processus d'élaboration et de mise en œuvre du décret 2011 ont reconnu que le leadership et le dévouement de Jalloul Ayed ont permis des avancées. Ayed avait agit rapidement, et fait adopter la loi sur la microfinance en quelques mois à peine. Khaled Ben Jilani, collaborateur d'une société d'investissement privé à Tunis qui avait travaillé avec le gouvernement sur les réformes, a déclaré qu'« il était extrêmement important de fixer des délais serrés pour que le processus aboutisse ». ‎ Ces délais serrés signifiaient toutefois que les changements étaient incohérents pour de nombreux dirigeants d'associations. Alors que Emna Kallel, l'adjointe de Jalloul Ayed, organisait des réunions avec des dirigeants d'associations, le président d'un syndicat d'associations, et les responsables de la Banque tunisienne de solidarité (BTS), de nombreux dirigeants d'associations restaient encore confus par rapport à la loi lorsqu'ils participèrent beaucoup plus tard à des ateliers de formation. Un dialogue renforcé entre le gouvernement et les associations aurait pu aider ces dernières à mieux s'informer sur les réformes en cours et leur aurait donné plus de temps pour apporter des réponses. Mais ce n'était pas une simple question de temps, car les associations auraient eu besoin aussi d'un soutien financier et technique pour se conformer au décret de 2011. ‎ Ayed et Kallel savaient que les associations ne pourraient pas respecter les termes du décret, mais à cause du mandat très court du gouvernement de transition, ils ont dû abandonner leurs fonctions avant même d'avoir pu organiser un soutien de l'État aux associations. « Les choses ne se sont pas déroulées comme je l'avais espéré », a reconnu Jalloul Ayed en 2015. « Il fallait être vraiment derrière un grand nombre de ces entités et leur donner des solutions. Et cela, je crois, était le rôle du ministre des Finances et du gouvernement. » S'il était resté en fonction, a-t-il ajouté, il aurait plaidé en faveur d'un renforcement du rôle du gouvernement pour aider des associations à passer des subventions publiques à des opérations axées sur le marché par le biais de fusions. « Je voulais construire des ponts entre le secteur bancaire et le secteur de la microfinance », a-t-il affirmé.‎ La rotation rapide des ministres provoquée par des changements répétés de gouvernement après les élections de 2011 a ralenti la mise en œuvre du décret de 2011 sur la microfinance. Outre le ministre Jalloul Ayed, la Tunisie a eu quatre autres ministres des Finances entre 2011 et la chute du président Zine el-Abidine Ben Ali et les élections post-constitution d'octobre 2014. « L'environnement politique était difficile », a déclaré Barbara Scola, qui a contribué à mettre en place l'Autorité de contrôle de la microfinance (ACM) tout en travaillant pour la GIZ. « Il était difficile de maintenir la microfinance à l'ordre du jour. »‎ Des fonctionnaires comme Souhir Taktak, directeur général du département des finances du ministère des Finances, et Mahmoud Mansour, directeur de l'ACM, devaient mettre en œuvre les réformes sans un soutien stable des hauts dirigeants. « Chaque fois qu'un nouveau ministre était nommé, il fallait tout lui réexpliquer depuis le début : en quoi consiste la microfinance, pourquoi est-elle souhaitable, etc. », a expliqué Barbara Scola. ‎ Des fonctionnaires du gouvernement, des acteurs des groupes de bailleurs de fonds, et des acteurs du secteur privé ont déclaré que même si Jalloul Ayed et son personnel avaient disposé d'un temps plus long, la restructuration des associations aurait été difficile à cause de la coopération irrégulière de la BTS, qui finançait les groupes. Un projet financé par la Banque africaine de développement avait tenté en 2011 d'évaluer et aider à restructurer la BTS, et les associations étaient paralysées depuis des années. « La BTS n'a jamais voulu, a supposé Khaled Ben Jilani. Ils s'opposaient très vivement à tous ceux qui mettaient le nez dans leurs chiffres et essayaient de calculer la performance réelle. »‎ Élément central du décret-loi 2011, l'ACM a reçu des notations élevées tant des personnes qui ont œuvré à sa création que des prêteurs qui lui ont adressé leur demande d'accréditation. Certains, cependant, ont exprimé des doutes sur le bien-fondé de l'organisme puisque les institutions de microfinance en Tunisie pouvaient accorder des prêts mais pas recevoir de dépôts. Des publications du Groupe consultatif d'assistance aux pauvres (CGAP) suggéraient qu'un organisme comme l'ACM chargé de surveiller la santé financière des prêteurs n'était pas nécessaire sauf si les institutions de microfinance acceptaient de recevoir aussi de l'épargne.28 « La création d'une autorité de surveillance du microcrédit n'a pas été une bonne pratique, a confessé la consultante du CGAP Alice Nègre. Mais ce n'était pas non plus une mauvaise pratique ; elle était indispensable pour conduire et superviser la transformation du secteur. Le ministère des Finances a préféré déléguer ce rôle à une entité indépendante plutôt que de l'exécuter lui-même, et cela s'est révélé être une assez bonne décision. » ‎ Barbara Scola a déclaré que le gouvernement aurait eu trop de difficultés politiques s'il avait autorisé les entreprises privées et étrangères à prêter aux Tunisiens pauvres sans surveillance gouvernementale. « Dans le contexte tunisien, ont sort de trente ans d'autoritarisme, a-t-elle expliqué. On ne peut pas passer directement à la liberté totale. Et je ne parle pas seulement de la microfinance. »‎ Pourtant, selon Barbara Scola - qui a intégré le CGAP après avoir quitté la Tunisie en 2015 -, les lois qui ont créé l'ACM l'ont rendue trop dépendante du ministère des Finances, laissant la porte ouverte à une ingérence du politique. Le décret de 2011 a donné au ministre des Finances le pouvoir de nommer le directeur général et le conseil de l'autorité et de poser la signature finale sur toutes les accréditations. « Au début, les gens ont dit que [l'ACM] ne serait qu'un tigre en papier. Mais cela n'a pas été le cas. L'ACM fait du bon travail et prend ses responsabilités au sérieux, affirme-t-elle. Mais dans le texte [de loi], le ministre doit signer les [accréditations], et qui sait ce que le prochain ministre fera. »‎ Innovations for Successful Societies produit des études de cas et des publications accessibles à tous et gratuits, dans le cadre des directives des Conditions d'utilisation énumérées ci-dessous. Le référentiel Web ISS est destiné à être une banque d'idées, permettant aux praticiens et chercheurs d'évaluer les avantages et les inconvénients des différentes stratégies de réforme et les effets du contexte. 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Notre statut (et celui de tous les contributeurs identifiés) en tant qu'auteurs de contenu doit toujours être reconnu et un crédit complet doit être mentionné comme suit :‎ Auteur(s) ou éditeur(s), s'ils sont référencés, titre complet, année de publication, Innovations for Successful Societies, Université de Princeton, http://successfulsocieties.princeton.edu/ Innovations for Successful Societies (ISS) est un programme conjoint de la Woodrow Wilson School of Public & International Affairs de l'Université de Princeton et du Centre Bobst pour la paix et la justice. La Woodrow Wilson School prépare les étudiants à des carrières dans la fonction publique et soutient la recherche scientifique sur la politique et la gouvernance. La mission du Centre Bobst pour la paix et la justice est de promouvoir la paix et la justice à travers la compréhension mutuelle et le respect de toutes les traditions ethniques et confessions religieuses, à la fois au sein des pays et au-delà des frontières nationales. ‎ Références 1 « Étude sur le marché de la microfinance en Tunisie », IBM Belgique, 9 mai 2010.‎ 2 « Vision concertée pour le développement de la microfinance en Tunisie (2011-2014) », ministère des Finances tunisien, octobre 2011, http://www.microfinancegateway.org/fr/library/vision-concert%C3%A9e-pour-le-d%C3%A9veloppement-de-la-microfinance-en-tunisie-2011-2014. 3 Transforming Microfinance Institutions: Providing Full Financial Services to the Poor, Banque mondiale, août 2006, http://elibrary.worldbank.org/doi/abs/10.1596/978-0-8213-6615-8. 4 Bob Rijkers, Caroline Freund et Antonio Nucifora, «All in the Family: State Capture in Tunisia », Banque mondiale, 1er mars, 2014, http://documents.worldbank.org/curated/en/2014/03/19291754/all-family-state-capture-tunisia. 5 « BTS - États financiers annuels individuels au 31/12/2014 », accès 6 janvier 2016, http://www.bvmt.com.tn/fr/bts-etats-financiers-annuels-individuels-31-12-2014. 6 Peter McConaghy, Nadine Gabriel Chehade et Alice Nègre, « État des lieux : inclusion financière en Tunisie - populations à bas revenus et microentreprises », Banque mondiale, 1er juin 2015, http://documents.worldbank.org/curated/en/2015/08/24865374/technical-note-financial-inclusion-tunisia-low-income-households-micro-enterprises.‎ 7 Ibid.‎ 8 « Microcredit Interest Rates and Their Determinants: 2004-2011 », CGAP, accès au 8 janvier 2016, http://www.cgap.org/publications/microcredit-interest-rates-and-their-determinants. 9 « Vision concertée pour le développement de la microfinance en Tunisie (2011-2014). » 10 2010 MFI Benchmarks, MIX Microfinance World, accès au 27 janvier 2016, http://www.themix.org/publications/microbanking-bulletin/2011/10/2010-mfi-benchmarks, et 2010 Arab Microfinance Analysis and Benchmarking Report, MIX Microfinance World, accès au 3 novembre 2015, http://www.themix.org/publications/mix-microfinance-world/2011/03/2010-arab-microfinance-analysis-and-benchmarking-report. 11 Reille et Lyman, « Rapport de diagnostic ».‎ 12 McConaghy, Chehade et Nègre, « Note technique ».‎ 13 Reille et Lyman, « Rapport de diagnostic ».‎ 14 Rijkers, Freund et Nucifora, « All in the Family ». 15 Salma Bouzid, "Micro-Finance in Tunisia: An Interview with Michael Cracknell of ENDA," Tunisialive, juillet 12, 2013, accès au 3 novembre 2015, http://www.tunisia-live.net/2013/07/12/micro-finance-in-tunisia-an-interview-with-michael-cracknell-of-enda/. 16 « The Jordanian National Policy Framework for Microfinance: Towards Inclusive Finance », ministère de la Planification et de la Coopération internationale, juin 2011, accès au 3 février 2016, http://inform.gov.jo/en-us/By-Date/Report-Details/ArticleId/57/The-Jordanian-National-Policy-Framework-for-Microfinance-Towards-Inclusive-Finance. 17 « Vision concertée pour le développement de la microfinance en Tunisie (2011-2014). » ‎ 18 Ibid. 19 « Textes réglementaires des institutions de microfinance-ACM », Autorité de contrôle de la microfinance, accès 17 septembre 2015, http://www.acm.gov.tn//Fr/textes-reglementaires_11_30. 20 « Publications », Autorité de contrôle de la microfinance, accès 30 novembre 2015, http://www.acm.gov.tn//Fr/publications_21_31. 21 « Textes réglementaires des institutions de microfinance-ACM ».‎ 22 « Publications », Autorité de contrôle de la microfinance, accès 25 janvier 2016, http://www.acm.gov.tn//Fr/publications_21_31. 23 « Ateliers sur la restructuration des AMC », Autorité de contrôle de la microfinance, accès 25 janvier 2016, http://www.acm.gov.tn//Fr/actualites_7_6_D10. 24 Carlotta Gall, « Tunisian Town Simmers With Unrest Over Lack of Jobs and Investment », New York Times, 8 février 2016, http://www.nytimes.com/2016/02/09/world/africa/tunisia-kasserine-jobs-protest.html. 25 McConaghy, Chehade et Nègre, « Note technique ».‎ 26 « Filialisation de l'activité de microfinance d'ENDA Inter-Arabe », Autorité de contrôle de la microfinance, accès 11 janvier 2016, http://www.acm.gov.tn//Fr/actualites_7_6_D25. 27 « Inclusion financière en Tunisie - populations à bas revenus et micro-entreprises », accès au 26 octobre 2015, http://www.worldbank.org/en/country/tunisia/publication/financial-inclusion-in-tunisia. 28 Robert Peck Christen, Timothy Lyman et Richard Rosenberg, « Guiding Principles on Regulation and Supervision of Microfinance », CGAP, accès 29 octobre 2015, http://www.cgap.org/publications/guiding-principles-regulation-and-supervision-microfinance. ISS est un programme conjoint de la Woodrow Wilson School of Public and International Affairs et du Centre Bobst pour la Paix et la Justice : successfulsocieties.princeton.edu. ISS invite ses lecteurs à partager commentaires et informations sur l'utilisation de ces cas : iss@princeton.edu. (c) 2016, Conseil d'Administration de l'Université Princeton Robert Joyce, Natalie Wenkers Innovations for Successful Societies ‎(c) 2016, Conseil d'Administration de l'Université Princeton ‎ Conditions d'utilisation et les règles de citation sont à la fin de ce document et sur successfulsocieties.princeton.edu/about/terms-conditions.‎